Dans la guerre qui oppose Moscou à Kiev, les forces aériennes des deux pays ont pour l'instant eu beaucoup de mal à opérer sur l'ensemble du territoire. En cause, la redoutable efficacité des batteries de missiles sol-air et, à plus basse altitude, l'utilisation de systèmes de défense anti-aérienne portatifs, comme les Stinger américains.
Pour faire en sorte que l'armée ukrainienne puisse continuer à disputer la suprématie aérienne aux avions russes, les pays occidentaux se sont d'ailleurs évertués à continuer à fournir de tels systèmes.
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Dans le ciel d'Ukraine, un engin s'est toutefois montré particulièrement efficace, le drone Bayraktar TB2. Grâce à sa faible émission radar et à ses vols en haute altitude, il est capable d'échapper en partie aux défenses anti-aériennes russes. On ignore pour l'heure le nombre de Bayraktar dont disposent encore les forces armées ukrainiennes. Au début du mois de mars, le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov avait annoncé l'arrivée d'une nouvelle livraison mais sans mentionner de chiffres.
Des drones suicides pour s'en prendre à l'artillerie ?
Si les différentes lignes de front n'ont pas beaucoup bougé au cours des derniers jours, plusieurs grandes villes ukrainiennes (Kiev, mais aussi Soumy, Kharkiv et plus encore Mikolaïv et Marioupol) continuent d'être sous le feu de l'artillerie russe.
Pour tenter de modifier le rapport de force, le président des Etats-Unis Joe Biden a promis une nouvelle assistance militaire d'un montant de 800 millions de dollars. Cette aide comprendra des systèmes de défense anti-aérienne S-300, dont le but est de se protéger des bombardements massifs provenant d'avions, de missiles balistiques ou encore de missiles de croisière.
L'enveloppe concerne aussi 800 nouveaux Stinger et 9000 systèmes antichars, dont 2000 modèles Javelin, des armes qui ont une importance capitale dans la résistance ukrainienne face aux tanks russes.
Mais la Maison Blanche a surtout pris la décision de livrer 100 drones à l'armée ukrainienne. Si aucune autre précision n'a pour l'instant été donnée sur le modèle choisi, il devrait s'agir de Swtichblades, selon plusieurs officiels s'exprimant sous couvert de l'anonymat. Autrement dit, de drones dits suicides, ou kamikazes, à usage unique.
Ces drones ont la particularité de porter à la fois une charge explosive mais également de faire office de munition. De petite taille, n'émettant que très peu d'ondes radioélectriques et disposant d'une signature thermique faible, ils peuvent beaucoup plus facilement échapper aux défenses anti-aériennes ennemies et plonger avec une précision extrême sur les cibles détectées.
D'après plusieurs experts, dont Michel Goya, historien spécialiste de la guerre moderne et ancien militaire français, ces drones pourraient, s'ils sont suffisamment nombreux, être un "game changer" pour la suite du conflit, autrement dit, un véritable tournant.
Deux modèles possibles
Dans les faits, l'arsenal américain contient deux modèles Switchblade. Le premier, le Switchblade 300, ne pèse que quelques kilos et dispose d'une autonomie de vol de 10 à 15 minutes. Sa petite taille et sa légèreté le rendent très efficace. Presque invisible pour les radars, silencieux, rapide, il peut très facilement surprendre les forces ennemies. Autre avantage, il ne coûte que 6000 dollars pièce.
L'autre modèle est le Switchblade 600. Environ deux fois plus lourd et plus cher, il dispose d'une meilleure autonomie et peut surtout s'avérer décisif pour transpercer les blindages des tanks russes.
Il est aujourd'hui difficile de prédire à quel point l'arrivée de ces drones changera la donne. Mais si toutes ces armes arrivent en mains ukrainiennes, la tâche va sans aucun doute encore se complexifier pour l'armée russe.
La livraison de ces drones serait également un geste fort. Les Etats-Unis ont en effet choisi jusqu'à présent de garder cette technologie plutôt confidentielle et seules des exportations vers le Royaume-Uni avaient pour l'instant été autorisées.
Des indices sur la présence de drones russes kamikazes
Côté russe, des drones du même genre parcourraient déjà le ciel ukrainien. Plusieurs photographies publiées sur Twitter et sur Telegram semblent montrer un KUB-BLA, un type de drone lui aussi kamikaze produit par la société d'armement russe Kalachnikov. Les images montrent des drones abîmés qui semblent s'être écrasés ou alors avoir été abattus. Impossible de savoir pour l'instant s'ils ont déjà été utilisés pour mener des attaques depuis le début de l'invasion.
D'une envergure d'environ un mètre, le drone KUB-BLA ressemble à un petit avion de chasse sans pilote. Avec une autonomie de vol d'environ une demi-heure, il peut atteindre les 120 km/h (moins rapide que le Switchblade 300 et ses 160 km/h) mais semble globalement être une technologie moins mature que ses concurrents américains.
Spécialisé dans l'incidence des technologies émergentes, le magazine américain Wired rappelle surtout que le KUB-BLA a la particularité de posséder "une détection et une reconnaissance intelligente des objets par classe et par type en temps réel." En d'autres termes, ce modèle pourrait théoriquement prendre des décisions autonomes grâce à son intelligence artificielle (IA) incorporée, contrairement aux modèles que Washington devrait prochainement envoyer à Kiev et qui reposent toujours sur des choix humains.
Il est impossible pour l'heure de savoir si ce système d'IA a déjà été employé dans le cadre d'une attaque en Ukraine. Pour l'instant, la Russie ne semble en tout cas pas avoir utilisé à outrance ce type de technologie car peu de drones ont été repérés dans les combats. Mais pour les experts, l'utilisation d'une intelligence artificielle aux capacités létales poserait de nombreuses questions éthiques.
Tristan Hertig