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Christophe Deloire: "De plus en plus souvent, les belligérants attaquent les journalistes délibérément"

Les explications de Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières
Les explications de Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières / 19h30 / 4 min. / le 19 mars 2022
Dans le conflit en Ukraine, l'insigne de presse ne constitue pas une protection. Cinq journalistes et professionnels de l'information ont déjà payé de leur vie leur travail sur le terrain, et une trentaine ont été blessés. Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières (RSF), évoque le travail difficile sur place, pour les journalistes locaux comme pour les internationaux.

"C'est devenu de plus en plus fréquent que des belligérants dans des guerres attaquent délibérément des journalistes, qui ne sont pas victimes seulement des risques du métier - se trouver au mauvais endroit au mauvais moment - mais sont la cible des tirs", indique Christophe Deloire dans le 19h30.

A l'époque numérique, chaque belligérant peut s'adresser directement à son public, peut diffuser sa propagande, rappelle le directeur général de Reporters sans frontières.

"Les journalistes apparaissent donc comme des témoins gênants. C'est la raison pour laquelle des tours de télévision ont été bombardées, de nombreuses équipes de télévision ciblées, et c'est la raison pour laquelle RSF a déposé plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale pour crime de guerre. Attaquer les journalistes, les civils, cela relève de crimes de guerre", souligne-t-il.

>> Le récit du 19h30 sur les journalistes en Ukraine :

Témoins de l'invasion russe, les journalistes sont désormais pris pour cible
Témoins de l'invasion russe, les journalistes sont désormais pris pour cible / 19h30 / 2 min. / le 19 mars 2022

Pas préparés

Inauguré samedi à Lviv, un centre pour la liberté de la presse s'attache à soutenir les journalistes sur place. "Ces journalistes se retrouvent à couvrir une guerre qui est arrivée subitement à eux, à laquelle ils ne sont pas préparés. Ce n'est pas comme les grands reporters qui se préparent, sont entraînés, ont des équipements. D'où un grand besoin en matériel."

RSF a effectué la semaine dernière la première livraison d'équipements - casques et gilets pare-balles - et les premières formations ont eu lieu vendredi, mais la demande dépasse l'offre, selon le responsable.

Pour son autre domaine d'activité dans ce conflit, la censure, telle qu'exercée notamment par l'appareil de censure russe, RSF a commencé à procéder au déblocage de sites internet. "Nous avons développé un dispositif, dans une opération nommée 'Collateral Freedom', qui permet de faire des sites miroirs des sites censurés, et de les mettre sur des serveurs internationaux qui demeurent ouverts. Les personnes dans le pays peuvent donc y avoir accès", explique le Français.

>> Lire aussi : Un site ukrainien veut sensibiliser les Russes au sang versé sur le front par leurs proches

Propagande et confort

En Russie, "trou noir" où l'information est contrôlée par le Kremlin, où les journalistes parlant de "guerre" risquent jusqu'à 15 ans de prison et où de nombreux médias ont déjà été contraints de fermer, les citoyens et citoyennes ont-ils encore la possibilité de s'informer correctement?

"Si les Russes voulaient, ils pourraient utiliser des outils technologiques assez simples - les VPN - pour passer outre la censure. Mais encore faut-il se sortir d'une forme de confort. Une partie des Russes est abreuvée par la propagande et a fini par s'y habituer au fil des années", regrette Christophe Deloire.

>> Ecouter aussi le grand débat de Forum consacré au journalisme de guerre :

Le grand débat - Journaliste de guerre: une mission à haut risque
Le grand débat - Journaliste de guerre: une mission à haut risque / Forum / 20 min. / le 25 mars 2022

Propos recueillis par Fanny Zuercher
Adaptation web: Katharina Kubicek

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