Christophe Deloire: "De plus en plus souvent, les belligérants attaquent les journalistes délibérément"
"C'est devenu de plus en plus fréquent que des belligérants dans des guerres attaquent délibérément des journalistes, qui ne sont pas victimes seulement des risques du métier - se trouver au mauvais endroit au mauvais moment - mais sont la cible des tirs", indique Christophe Deloire dans le 19h30.
A l'époque numérique, chaque belligérant peut s'adresser directement à son public, peut diffuser sa propagande, rappelle le directeur général de Reporters sans frontières.
"Les journalistes apparaissent donc comme des témoins gênants. C'est la raison pour laquelle des tours de télévision ont été bombardées, de nombreuses équipes de télévision ciblées, et c'est la raison pour laquelle RSF a déposé plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale pour crime de guerre. Attaquer les journalistes, les civils, cela relève de crimes de guerre", souligne-t-il.
Pas préparés
Inauguré samedi à Lviv, un centre pour la liberté de la presse s'attache à soutenir les journalistes sur place. "Ces journalistes se retrouvent à couvrir une guerre qui est arrivée subitement à eux, à laquelle ils ne sont pas préparés. Ce n'est pas comme les grands reporters qui se préparent, sont entraînés, ont des équipements. D'où un grand besoin en matériel."
RSF a effectué la semaine dernière la première livraison d'équipements - casques et gilets pare-balles - et les premières formations ont eu lieu vendredi, mais la demande dépasse l'offre, selon le responsable.
Pour son autre domaine d'activité dans ce conflit, la censure, telle qu'exercée notamment par l'appareil de censure russe, RSF a commencé à procéder au déblocage de sites internet. "Nous avons développé un dispositif, dans une opération nommée 'Collateral Freedom', qui permet de faire des sites miroirs des sites censurés, et de les mettre sur des serveurs internationaux qui demeurent ouverts. Les personnes dans le pays peuvent donc y avoir accès", explique le Français.
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Propagande et confort
En Russie, "trou noir" où l'information est contrôlée par le Kremlin, où les journalistes parlant de "guerre" risquent jusqu'à 15 ans de prison et où de nombreux médias ont déjà été contraints de fermer, les citoyens et citoyennes ont-ils encore la possibilité de s'informer correctement?
"Si les Russes voulaient, ils pourraient utiliser des outils technologiques assez simples - les VPN - pour passer outre la censure. Mais encore faut-il se sortir d'une forme de confort. Une partie des Russes est abreuvée par la propagande et a fini par s'y habituer au fil des années", regrette Christophe Deloire.
Propos recueillis par Fanny Zuercher
Adaptation web: Katharina Kubicek