Hasni Abidi: "Le Qatar a fait un effort sur les droits humains"

Depuis 2010 et l'attribution de la compétition au Qatar, ce Mondial est celui de la controverse. Le pays du Moyen-Orient est dans le viseur des ONG, qui dénoncent les conditions de vie déplorables des ouvriers, des passeports confisqués et des milliers de morts sur les chantiers.

>> Lire également : Le président de la FIFA Gianni Infantino est candidat à un troisième mandat

Lors du Congrès annuel de la FIFA jeudi à Doha, la présidente de la fédération norvégienne de football a lancé un vibrant appel en faveur des droits humains. Pour Lise Klaveness, l'attribution du Mondial au petit émirat a été donnée de "manière inacceptable, avec d'inacceptables conséquences".

Selon Hasni Abidi, la question des droits humains et des travailleurs n'a jamais été aussi populaire au Qatar. Le spécialiste du monde arabe estime qu'un effort a été fourni, même si le pays est encore loin des standards internationaux. "Quand vous demandez à un Etat qui n'a aucune tradition du football de construire en très peu de temps huit stades, il faut s'attendre à des violations, à des abus en matière de traitement de la main-d'oeuvre étrangère", déclare-t-il vendredi dans La Matinale.

"Manque de maîtrise"

Face aux critiques, le Qatar a mené plusieurs réformes. L'émirat a aboli à partir de 2016 la "kafala", système de parrainage faisant des salariés des quasi-propriétés de leur employeur, et introduit en 2020 un salaire minimal horaire.

Le bât blesse encore dans la gestion des milliers d'ouvriers bangladais, indiens, népalais ou philippins venus construire les infrastructures. "Le Qatar travaille avec des agences de recrutements basées dans les pays asiatiques. C'est là où l'émirat perd complètement le contrôle, il est débordé. Il y a un manque de maîtrise de cette chaîne entre les employeurs et ceux qui envoient la main-d'oeuvre", indique Hasni Abidi.

Nadia Boehlen, porte-parole d'Amnesty Suisse, pointe quant à elle toujours de nombreux problèmes: "Il y a eu des réformes de surface. En réalité, on s'aperçoit que lorsque des employeurs infligent des maltraitances à leurs employés, ils ne sont pas poursuivis. Le temps de travail des ouvriers demeure extrêmement élevé, 13 à 16 heures par jour, avec des salaires insuffisants."

>> L'interview de Nadia Boehlen dans La Matinale :

Hasni Abidi ne croit pas que les appels au boycott seront entendus. "Ce n'est pas dans l'intérêt d'une fédération de boycotter cette compétition sous prétexte des droits humains. Car le Mondial a déjà été organisé en Russie ou aux Etats-Unis, qui ne brillent pas en la matière. Et quelle serait l'image donnée à des millions de ressortissants arabes et musulmans qui se réjouissent de la première Coupe du monde organisée dans un pays arabe?"

Le politologue de l'Université de Genève signale par ailleurs que le contexte international joue en faveur du Qatar, important exportateur de gaz naturel liquéfié. "Le Qatar est devenu l'Etat le plus courtisé depuis le retrait américain d'Afghanistan et la crise en Ukraine. Les pays veulent entretenir leurs excellentes relations avec Doha. Même la Suisse et le conseiller fédéral Ueli Maurer sont allés sur place pour demander un peu de gaz..."

Propos recueillis par Benjamin Luis

Adaptation web: Guillaume Martinez