À J-4, Emmanuel Macron, entré très tardivement en campagne, et Marine Le Pen, sa rivale d'extrême droite, doivent participer à une émission mercredi soir sur la chaîne TF1 intitulée "10 minutes pour convaincre", le président sortant devant passer en premier. Ils seront tour à tour interrogés sur les cent premiers jours de leur présidence, s'ils sont élus le 24 avril, et leurs premières décisions ou gestes symboliques de chef(fe) de l'État.
Hasard de programmation? Ce sera peut-être l'un des temps forts de cette campagne présidentielle alors que les deux adversaires pourraient, si les Français en décident dimanche, vivre leur match retour de 2017. La candidate du parti Rassemblement national (RN), au ton toujours plus policé, réalise une lente mais régulière remontée dans les sondages, tant et si bien que de plus en plus de voix alertent sur un possible "accident électoral".
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Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria pour France Info et Le Parisien-Aujourd'hui en France, publié mercredi soir, Emmanuel Macron arriverait en tête du premier tour de l'élection présidentielle française (27% des voix), devant Marine Le Pen (22%). Suivraient Jean-Luc Mélenchon (17%), Eric Zemmour (8,5%) et Valérie Pécresse (8%). Au deuxième tour, Emmanuel Macron l'emporterait avec 54% des voix contre Marine Le Pen, mais l'écart entre les deux adversaires se réduit comme peau de chagrin.
Camp Macron mobilisé
Emmanuel Macron a certes bénéficié avec la guerre en Ukraine de l'"effet drapeau" lui faisant gagner de 5 à 6 points dans les sondages, à plus de 30% il y a trois semaines. Mais il prend au sérieux une possible victoire de Marine Le Pen et cela explique son offensive contre la candidate et son positionnement comme rempart face aux extrêmes. Il insiste aussi sur sa fibre européenne, par opposition à la candidate RN.
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Souvent accusé d'être "le président des riches", il fait aussi face à une importante polémique, causée par le recours important des pouvoirs publics à d'onéreuses prestations de cabinets de conseil, notamment McKinsey (lire encadré).
Marine Le Pen discrète
De son côté, Marine Le Pen a annulé plusieurs événements cette semaine - dont un déplacement mercredi en région parisienne - souhaitant éviter tout faux pas pour ne pas casser sa dynamique ascendante. Elle se prépare pour son dernier grand meeting en terrain conquis, jeudi à Perpignan. "Il faut s'économiser" et gérer le rythme, assure un haut responsable de sa campagne.
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Mais la candidate du Rassemblement national a brillé par une relative discrétion tout au long de la campagne. Sur les plateaux télévisés, son caractère ombrageux a laissé la place à des silences polis. Elle ne s'énerve plus des piques des journalistes, sourit davantage. Dépassée un temps à sa droite par Eric Zemmour, elle a laissé passer l'orage et regarde désormais l'ex-polémiste -qui veut obliger les parents à donner des prénoms français à leurs enfants ou créer un ministère de la Rémigration- s'effondrer dans les sondages.
Face au bloc élitaire, face à l’oligarchie qu'incarne Emmanuel Macron, il y a le peuple, et le peuple est plus nombreux que la caste. C’est pourquoi, nous pouvons gagner.
Aujourd'hui, celle qui s'était donné comme mission de "dédiaboliser le Front national", allant jusqu'à en exclure son père, dont les propos clivaient trop pour permettre une victoire nationale, semble avoir trouvé le rythme de croisière qui lui réussit. Et à 53 ans, en misant sur le pouvoir d'achat, la préoccupation numéro 1 des Français, alors que la guerre en Ukraine fait s'envoler les prix du carburant et des aliments, Marine Le Pen se distingue et impose son image de candidate du peuple face à un Emmanuel Macron, ancien banquier d'affaires, souvent accusé d'être coupé de la réalité. Elle a même réussi à faire oublier sa proximité avec Vladimir Poutine, rencontré notamment en 2017.
La gauche divisée
En troisième place, à 16%, Jean-Luc Mélenchon espère encore s'immiscer dans ce duo annoncé comme il l'a montré mardi soir lors d'un meeting à Lille relayé dans onze villes grâce à des hologrammes. Mais à 70 ans, celui qui défend un programme social et écologique, au point de s'attirer des voix écologistes, a déjà la bataille du deuxième tour dans le viseur.
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Le leader de la France insoumise entend peser lorsqu'il déclare qu'en cas de face-à-face Le Pen-Macron, il demandera à sa base avant de donner une consigne de vote.
Les travailleurs qui voteraient Le Pen ou Zemmour pour écarter Macron se tireraient une balle dans le pied
Cette attitude déplaît forcément à celles et ceux qui prônent un "front républicain". Candidate de Lutte Ouvrière, Nathalie Arthaud a d'ailleurs tenu à souligner lors d'un meeting: "Le Pen, c'est sûr, elle cherche le vote des travailleurs, mais les travailleurs, elle les veut dociles, soumis, aux ordres. Le vote d'extrême droite, dans les classes populaires, c'est un vote de résignation".
Dans la dernière ligne droite de la campagne, qui s'achève vendredi à minuit, les candidates et candidats jettent leurs dernières forces dans la bataille, cherchant à la fois à galvaniser leurs troupes et à convaincre les nombreux indécis. D'autant qu'une abstention record - environ 30% selon certains sondages - plane sur la présidentielle.
Anne Fournier/ Juliette Galeazzi avec AFP
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McKinsey, l'épine dans le pied d'Emmanuel Macron
A quatre jours du premier tour de la présidentielle, le parquet national financier a annoncé mercredi avoir ouvert une enquête sur les pratiques d'"optimisation fiscale" du cabinet de conseil McKinsey dénoncées par la commission d'enquête du Sénat et l'opposition.
Depuis le début de la polémique, l'opposition en appelait à la justice avec insistance: dans un communiqué, le procureur national financier a indiqué qu'après avoir pris connaissance du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques et procédé à des "vérifications", son parquet avait ouvert le 31 mars une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale.
Dans un rapport remis le 16 mars, la commission d'enquête du Sénat, initiée par le petit groupe CRCE à majorité communiste, assurait que les contrats conclus par l'Etat avec les cabinets de consultants comme McKinsey avaient "plus que doublé" entre 2018 et 2021, atteignant un montant record de plus d'un milliard d'euros en 2021.
McKinsey avait de son côté affirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu'une de ses filiales avait payé l'impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l'accuse d'optimisation fiscale. (afp)