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La vision impériale s'impose depuis toujours dans l'Histoire de la Russie

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Korine Amacher, historienne russe
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Korine Amacher, historienne russe / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 11 min. / le 8 avril 2022
Vladimir Poutine a brandi régulièrement l'Histoire de la Russie, depuis le 24 février, pour légitimer l'invasion de l'Ukraine. Les récits historiques russes ont évolué depuis les années 1990 déjà, notamment dans les manuels scolaires, mais avec un aspect immuable: leur vision impériale.

Invitée vendredi de La Matinale de la RTS, la professeure à l'Université de Genève Korine Amacher rappelle d'emblée que l'Histoire a été très souvent la victime des conflits. Mais, dit-elle, "elle l'est d'autant plus ici que l'Histoire est absolument centrale dans les discours politiques. On justifie des actions politiques pour des raisons historiques fallacieuses et on leur fait jouer un rôle extrêmement important".

Etudier l'Histoire "n'arrête pas les catastrophes"

Dans ce contexte, il est précisément d'autant plus nécessaire de poursuivre le travail d'historien. "Avec des collègues, on a beaucoup travaillé sur les histoires partagées et les mémoires divisées", souligne Korine Amacher. "On a toujours l'espoir que ce que l'on fait a une certaine utilité. Cela donne des clés pour comprendre, mais cela n'arrête pas les catastrophes".

L'historienne a notamment étudié l’évolution des manuels d’histoire en Russie de 1990 à 2020. "Ils sont un très bon miroir de l'évolution de la politique historique, on voit qu'ils ont énormément évolué depuis la chute de l'Union soviétique", dit-elle.

Des manuels infléchis par Vladimir Poutine

"Dans les années 1990, on a eu des manuels plutôt 'libéraux', avec une vision assez antisoviétique et pro-occidentale", souligne Korine Amacher. "Et les choses ont commencé à changer au début des années 2000 avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, qui s'est immédiatement intéressé à l'Histoire".

Il fallait que les Russes soient fiers de leur passé, raconte cette spécialiste. "Et donc on a commencé à avoir des visions de plus en plus positives de la politique stalinienne (…) Et cela a été crescendo, avec un pic en 2008 avec l'apparition de certains manuels qui réhabilitaient très clairement Staline. Aujourd'hui, on a des manuels qui mettent en avant la puissance de l'Etat et un individu qui doit se soumettre à l'Etat russe".

"Il n'y a jamais vraiment eu de remise en question"

Mais il y a cependant quelque chose qui n'a jamais évolué dans les manuels d'histoire russe, précise la professeure, c'est la vision impériale de l'Histoire: "Il n'y a jamais vraiment eu de remise en question de cette vision et dans les manuels, toutes les annexions sont systématiquement justifiées. Soit ce sont des annexions volontaires, soit ce sont des conquêtes défensives, soit l'armée russe va venir en aide à une population réprimée par un autre Etat… C'est une chose qui est indissociable de la grandeur de l'Etat russe, qui ne peut apporter que le bien aux autres peuples".

Mais attention, souligne Korine Amacher: "Au-delà des manuels scolaires, de ces discours officiels, on a évidemment toute une historiographie russe, de nombreux historiens et historiennes russes, qui ont beaucoup travaillé, réfléchi à ces questions impériales, avec des discussions et des questionnements extrêmement riches".

Propos recueillis par David Berger/oang

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