Attention: les témoignages qui suivent sont très difficiles
Après dix jours d'échanges avec la RTS, une psychologue a décidé qu'il fallait témoigner publiquement, qu'il fallait dénoncer. Travaillant pour une cellule de crise qui recueille des victimes à Boutcha, théâtre d'exactions pendant l'occupation par l'armée russe, elle a fait part à la RTS de plusieurs cas de viols par des soldats russes.
A Boutcha, une jeune fille de 14 ans a été violée début mars par cinq militaires russes. Un mois plus tard, les marques de coups reçus sont encore visibles, raconte la psychologue. La jeune fille a été violée juste devant sa maison. Sa mère a tenté de la sauver, mais sa fille hurlait de ne pas s'approcher pour la protéger.
Toutes deux ont voulu témoigner, elles aussi, de l'horreur vécue. "Je vous raconte tout, une fois pour toutes", dit la mère. "Il faut que les femmes sous occupation russe sachent qui ils sont et de quoi ils sont capables. Il faut que le monde entier sache".
Femmes, mineures et enfants
Une autre femme, âgée de 20 ans, vivait seule à Irpin, la ville voisine. En sortant pour tenter de trouver à manger, lors d'une accalmie - les bombardements à Irpin ont été très violents - elle a été violée par trois hommes. "Trois hommes l'ont violée en même temps. Il s'agissait aussi d'un viol buccal", explique la psychologue, qui tient à ce que ces mots soient dit. "Il ne faut pas cacher l'horreur vécue par les victimes", affirme-t-elle.
Des mineurs sont aussi victimes de viols par les militaires russes. La cellule de crise composée de psychologues bénévoles qui a accordé sa confiance à la RTS a recueilli plusieurs témoignages. "Il y a l'histoire de cet enfant de 11 ans à Boutcha. Deux hommes l'ont attaché sur une chaise et l'ont violé sous les yeux de sa maman, dans leur maison. Désolé, mais c'est la réalité", raconte la psychologue, vendredi soir au micro de Forum.
L'enfant a également été passé à tabac. Il se trouve aujourd'hui dans un hôpital de Kiev, la capitale.
Les tout premiers témoignages
Pour l'heure, il est impossible, car trop tôt, de connaître l'ampleur des viols. Les victimes qui sont prêtes à parler commencent seulement à se présenter auprès de cette cellule de crise. Il s'agit des premiers témoignages récoltés. Les soldats russes ont quitté Boutcha depuis seulement une semaine.
"A Boutcha, vous êtes au beau milieu de ruines. Les infrastructures sont à terre", décrit la psychologue, qui résume: "La plupart de ces familles sont dans des villes encore coupées du monde." Sur place, la RTS a constaté qu'une semaine après, on retrouve encore des corps de civils abattus dans les cours intérieurs, les caves., etc.
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Les plaintes sont rares
Dans un quartier excentré de la ville, la RTS a rencontré deux femmes qui ont subi des viols, des jours durant. Les militaires russes avaient établi l'un de leurs QG juste à côté de chez elles. Ces femmes désespéraient de pouvoir quitter Boutcha et de pouvoir enfin accéder à une expertise médicale à Kiev. Elles veulent alerter le procureur sur ce qu'elles ont subi.
Leur cas est rare. Car la psychologue n'a comme patiente que des femmes et des enfants qui n'ont pas la force de porter plainte. "La plupart des femmes qui ont subi des viols ne parleront jamais", estime-t-elle.
La psychologue, qui vit dans une ville qui subit encore les bombardements, décrit les difficultés pour permettre aux victimes de bénéficier de ses soins. Lors de sa conversation avec la RTS, des sirènes et des explosions ont retenti. Elle a donc dû interrompre l'interview pour s'abriter.
L'anecdote sert d'exemple, et la psychologue a juste le temps de lancer: "C'est ce qui se passe avec les rares victimes qui osent commencer à parler. Je dois - à cause des bombardements - leur demander de me rappeler."
Maurine Mercier/vajo