"Rien n'est joué", "c'est une nouvelle campagne qui commence"... Aussi bien du côté d'Emmanuel Macron que de Marine Le Pen, les camps ont insisté sur l'importance des deux prochaines semaines avant le second tour de la présidentielle en France. Les sondages prévoient une victoire d'Emmanuel Macron, mais beaucoup plus étriquée qu'en 2017 quand il avait battu sèchement la dirigeante de l'extrême droite.
Arrivé dimanche soir en tête du premier tour avec 27,84% devant la cheffe de file du Rassemblement National (23,15%), le président sortant recueillerait entre 54% et 51% des voix au second tour contre 46-49% pour sa rivale, selon des sondages réalisés dimanche après le premier tour.
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Les doutes du RN sur un "front républicain"
"Cette élection, il va falloir aller la chercher, parce que rien n'est joué", a reconnu lundi matin le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur la radio France Inter. Emmanuel Macron, entré très tardivement dans l'arène, a été critiqué pour n'avoir pas vraiment fait campagne au premier tour.
Juste après sur la même radio, Jordan Bardella, président du Rassemblement national de Marine Le Pen, s'est dit convaincu que sa candidate bénéficierait d'un fort report des suffrages parmi "les 70% de Français qui ont voté contre" le président sortant, et a indiqué ne "pas croire" au "front républicain" contre son parti.
Trois candidats malheureux à gauche, l'écologiste Yannick Jadot (4,63% des voix), le communiste Fabien Roussel (2,28%), la socialiste Anne Hidalgo (1,75%), ont explicitement appelé leurs électeurs à voter Emmanuel Macron.
La candidate pour la droite gaulliste, Valérie Pécresse, a annoncé pour sa part son intention de voter "en conscience" pour Emmanuel Macron.
Le poids de l'abstentionnisme
Les deux finalistes vont devoir mobiliser les électeurs alors que le premier tour a été marqué par une forte abstention de 25,14% et une désagrégation spectaculaire des deux partis de gouvernement de la Ve République, qui ont réalisé le pire score de leur histoire (4,78% pour Valérie Pécresse, vainqueur de la primaire de la droite à l'automne, et 1,75% pour la socialiste Anne Hidalgo).
En principale ligne de mire des deux candidats figurent les électeurs du candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième sur les talons de Marine Le Pen avec 21,95% des voix et qui apparaît désormais en position d'arbitre.
Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI), a répété dès dimanche soir que "pas une voix" ne devait aller à l'extrême droite, sans pour autant appeler à voter pour Emmanuel Macron.
LFI rêve d'une cohabitation après les législatives
Cette position a été réitérée lundi matin par son numéro 2 Adrien Quatennens, qui a ajouté cependant que "la responsabilité totale de ce qui va se passer au second tour incombe au principal protagoniste, Emmanuel Macron". L'ambition de LFI est désormais de se battre pour les législatives de juin et "d'imposer une cohabitation" à l'actuel président, a-t-il précisé.
La chasse aux électeurs de gauche est lancée. Lundi matin, Gabriel Attal a insisté sur le bilan social de l'actuel chef de l'Etat, qui a pourtant "du mal à se débarrasser de l'étiquette de "président des riches". On a beaucoup fait pour réduire les fractures, a-t-il assuré.
"Les candidats ne sont pas propriétaires de leurs électeurs et je pense que beaucoup de ceux qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon ne veulent pas de la retraite à 65 ans, ne veulent pas remettre la politique de la France entre les mains de cabinets privés et voteront pour Marine Le Pen au second tour", a rétorqué le représentant du RN Jordan Bardella.
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Réserve de voix plus faible pour Marine Le Pen
Sur le papier, Marine Le Pen a une réserve de voix nettement moins importante qu'Emmanuel Macron. Elle pourra compter sur le soutien de l'autre candidat de l'extrême droite Eric Zemmour, 7,07%.
Le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, 2,06%, a lui aussi appelé à voter Marine Le Pen.
Un moment clé des deux semaines de la nouvelle campagne qui commence sera le 20 avril lors du traditionnel débat télévisé de l'entre-deux tours. En 2017, il avait été désastreux pour Marine Le Pen, apparue fébrile et ne maîtrisant pas les dossiers, et avait contribué à sa défaite face à Emmanuel Macron.
Une candidate mieux préparée qu'en 2017
Mais cette année, la fille du sulfureux tribun Jean-Marie Le Pen (premier à conduire l'extrême droite au deuxième tour en 2002) semble nettement mieux préparée. Elle a conduit une campagne de terrain, axée sur le pouvoir d'achat, principale préoccupation des électeurs, tandis qu'Emmanuel Macron, accaparé par la guerre en Ukraine, s'est peu impliqué dans ce premier tour.
Une victoire de la candidate d'extrême droite pourrait avoir d'importantes conséquences internationales, étant donné ses positions hostiles à l'intégration européenne et sa volonté, par exemple, de sortir du commandement intégré de l'Otan.
Son élection créerait une double première: première accession au pouvoir par les urnes de l'extrême droite et première femme présidente.
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