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Emmanuel Macron et Marine Le Pen, des campagnes si différentes

Campagne Express : Macron, Le Pen ou "ni l'un, ni l'autre"
Campagne Express : Macron, Le Pen ou "ni l'un, ni l'autre" / L'actu en vidéo / 3 min. / le 20 avril 2022
Il ne reste plus que quelques jours à Emmanuel Macron et à son adversaire Marine Le Pen pour convaincre l’électorat français. Alors chacun et chacune, à sa manière, s'adonne au sprint de dernière minute avant le dénouement dimanche.

Mulhouse, Le Havre, Marseille... Emmanuel Macron a multiplié les déplacements dès le lendemain du premier tour, lors duquel il est arrivé en tête avec 27,8% des voix. L'objectif du président, qui brigue un second mandat le 24 avril, est clair: une campagne de terrain. Il était temps, diront certains. Car, accaparé par la guerre en Ukraine, le chef de l'Etat ne s'est lancé que tardivement dans la course à l'Elysée, misant surtout sur le bilan de son quinquennat pour sa réélection.

A l'inverse, Marine Le Pen, qui a sillonné la France avec le bus marqué de son portrait depuis plus de six mois, a plutôt misé sur des conférences de presse. L'une d'entre elles a en particulier retenu l'attention, le 13 avril, lorsqu'une militante du "collectif Ibiza", portant une affiche en forme de coeur montrant Marine Le Pen et le président russe Vladimir Poutine, s'est faite sortir, traînée par les pieds.

Regards à gauche

Il n'empêche qu'en s'adressant d'abord aux médias, la candidate d'extrême droite cherche surtout peut-être à prouver sa "présidentialité", montrer qu'elle a un projet de politique extérieure et veut bouleverser les institutions.

Marine Le Pen a construit sa campagne sur l'hostilité à l'égard du monde tel qu'il va. Emmanuel Macron est ouvert au monde

Dominique Reynié, politologue

"Nous instaurerons une proportionnelle permettant à tous les courants d'être représentés dans nos assemblées. Et puis, parce qu'il faut donner l'exemple et que nous voulons sans attendre éveiller cette démocratie référendaire, nous engagerons le référendum sur l'immigration, pour soumettre ce sujet au pays", a ainsi déclaré Marine Le Pen lors de son meeting à Avignon.

Le regard rivé sur l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième le 10 avril avec 22,1% des suffrages, la candidate du Rassemblement national annonce également un âge de la retraite flexible, offrant à travers son programme un surprenant mélange de souverainisme et de socialisme. "C'est sa plus grande différence d'avec son père. Cela lui permet d'attirer efficacement le vote des classes populaires et ouvrières", relève le politologue Dominique Reynié, interrogé par la RTS.

>> Lire : Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l'électorat Mélenchon dans le viseur

En face, Emmanuel Macron peut lui s'appuyer sur les réalisations des cinq dernières années et vanter les réformes qui répondaient aux attentes des entrepreneurs, la suppression de l'impôt sur la fortune.

Crispation sur les retraites

Sur les retraites, le président candidat, qui avait annoncé le départ à 65 ans peu avant le premier tour, a évoqué quelques inflexions possibles au début de l'entre-deux tours. "C'était une façon de rafler les électeurs de Valérie Pécresse, à droite", explique Dominique Reynié, qui juge le "retour en arrière" des derniers jours "risqué".

C'est peut-être pour limiter ce risque, d'ailleurs, que l'actuel Premier ministre français Jean Castex a réaffirmé mardi matin sur France Inter que la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, point de crispation pour une large part des électeurs dans cet entre-deux-tours, ferait l'objet d'une adaptation "sur la méthode", sans reniement. "Non, on ne partira pas à la retraite à 65 ans" au terme du prochain quinquennat, a-t-il assuré. "Ce qui est proposé sur la réforme des retraites n’est pas forcément de nature à séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon", a concédé sur Europe 1 le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire.

Il y a cinq ans, Emmanuel Macron était un 'hors système', Marine Le Pen était anti-système. Maintenant, Emmanuel est devenu le système

Dominique Reynié, politologue

Pour séduire l'électorat Mélenchon, Emmanuel Macron a donc sorti une autre carte: l'écologie. "Pour placer l'écologie au cœur du nouveau paradigme politique, comme au XIXe siècle où, face au défi éducatif, Jules Ferry était à la fois président du Conseil et ministre de l'Instruction publique, mon prochain Premier ministre sera directement chargé de la planification écologique", a-t-il déclaré samedi à Marseille.

Electorat "ni, ni"

Selon une consultation de quelque 300'000 "Insoumis" qui avaient validé en ligne la candidature de Jean-Luc Mélenchon, seul un tiers déclarent vouloir voter pour le président sortant, alors que 66,61% ont choisi le vote blanc ou nul, ou l'abstention, pour le 24 avril. Et c'est ce "ni l'un, ni l'autre", qui incite à la prudence en France, malgré les sondages qui donnent l'avantage au président sortant et les soutiens dans le monde politique. Les deux anciens présidents, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont notamment appelé à voter Emmanuel Macron.

>> Lire : Marine Le Pen et Emmanuel Macron les yeux rivés sur le débat présidentiel

Conscient que malgré les soutiens, le président cristallise les haines, le camp Macron reste prudent dans l'attente du débat de l'entre-deux tours mercredi soir, qui apparaît comme un match retour de 2017, débat que Marine Le Pen a toujours reconnu avoir "raté".

Il faudrait vraiment qu'Emmanuel Macron loupe complètement le débat pour que la face de l'élection soit changée

Jean-Michel Aphatie, journaliste

Cette fois-ci, au Rassemblement national, on assure que Marine Le Pen a "beaucoup travaillé et maîtrise les sujets". Quant à Emmanuel Macron, il sera dans une situation moins confortable, car il est désormais comptable d'un bilan. "C'est peut-être là-dessus qu'elle pourra le piéger", note le journaliste politique français Jean-Michel Aphatie. Il doute cependant que le débat change la donne du second tour.

A celles et ceux qui parlent d'une crise des institutions en France, cet observateur de la vie politique française répond qu'il s'agit plutôt d'une crise de la représentation. "En France, nous n'avons pas l'habitude de réélire quelqu'un, mais là, faute de mieux, Emmanuel Macron est le favori. On ne veut ni l'un ni l'autre, mais qui veut-on?", interroge-t-il. "On n'a pas trouvé, donc il y a une frustration importante". Et cette frustration, Emmanuel Macron, s'il est réélu, devra composer avec.

Anne Fournier et Juliette Galeazzi

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