Les deux finalistes à la présidentielle Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont démarré leur débat sur les chapeaux de roue mercredi soir. Ils se sont dès le départ affrontés notamment sur le pouvoir d'achat et les prix de l'énergie, à quatre jours du second tour.
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Dans cette dernière ligne droite, les deux candidats s'efforcent de séduire les partisans du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour avec près de 22% des voix, et qui a exhorté ses partisans à ne pas accorder "une seule voix" à la candidate d'extrême droite, sans pour autant appeler à voter Emmanuel Macron.
Le débat ne bouleverse habituellement pas les dynamiques d'intentions de vote. Mais cette fois, il pourrait remobiliser certains électorats et "déplacer davantage de voix que ce qu'on a observé depuis le début de la Ve République" en 1958, estime Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut de sondages français Ipsos.
MOT DU DÉBUT - Les deux candidats présentent leurs visions
"Le plus grand atout de la France, c'est son peuple", a déclaré la candidate RN, première à intervenir dans le débat, en soulignant que cela "fait des années que je vais à sa rencontre".
"Depuis cinq ans, je les ai vu souffrir (les Français), s'inquiéter d'un déclassement et d'une précarité qui reste généralisée", a-t-elle ajouté.
Pour sa part, le président sortant a insisté sur cette période "de crises sans précédent", citant la pandémie de Covid-19 et la guerre sur le sol européen en Ukraine.
"Les inquiétudes sont là", a-t-il dit en ajoutant avoir "essayé de prendre les bonnes décisions". "Et je veux continuer de le faire parce que je crois d'abord que nous devons et nous pouvons rendre notre pays plus indépendant et plus fort par son économie, par le travail, par la recherche, l'innovation, par sa culture", a-t-il dit.
POUVOIR D'ACHAT - Guerre des chiffres
Abordant la thématique du pouvoir d'achat, préoccupation numéro un des Français selon les sondages, les deux adversaires se sont accrochés sur leurs propositions respectives d'incitations à augmenter les salaires et primes, chacun accusant l'autre de faire croire que les hausses seront "automatiques".
"Vous n'allez pas faire les salaires Madame Le Pen". "Tout comme vous n'allez pas faire les primes Monsieur Macron", se sont répondus les deux candidats qui se font face pour la première fois depuis leur duel télévisé en 2017. La cheffe de file du Rassemblement national a défendu sa proposition de geler "les cotisations patronales" en cas d'augmentation de "10% les salaires jusqu'à 3 fois le Smic".
"C'est certes un manque à gagner" pour l'Etat mais, "ça n'est pas une dépense directe", a assuré Marine Le Pen.
Les deux candidats se sont aussi opposés sur les méthodes pour protéger le pouvoir d'achat, notamment sur l'énergie, Emmanuel Macron défendant le "bouclier" déjà mis en place et son projet de "chèque alimentaire", Marine Le Pen prônant une baisse de TVA. Emmanuel Macron a reproché à son adversaire de ne pas avoir voté pour ce bouclier à l'Assemblée nationale.
RUSSIE - Macron accuse Le Pen de "dépendre" de Poutine
Le président sortant a accusé Marine Le Pen d'être à la solde du pouvoir russe en raison du prêt contracté auprès d'une banque russe par son parti, l'ex-Front national, aujourd'hui rebaptisé Rassemblement national.
"Vous dépendez du pouvoir, vous dépendez de Vladimir Poutine. Vous avez contracté un prêt auprès d'une banque russe", a-t-il lancé à son adversaire alors que le sujet du conflit ukrainien venait d'être abordé.
"Vous ne parlez pas à d’autres dirigeants, vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie, c’est ça le problème", a-t-il souligné.
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"C'est faux", a rétorqué Marine Le Pen. "Nous sommes un parti pauvre, ce n'est pas déshonorant", a-t-elle dit, accusant Emmanuel Macron, alors à Bercy, d'avoir empêché l'ex-FN de contracter un prêt en France. Elle affirme soutenir "une Ukraine libre" indépendante des USA, de l'UE, de la Russie.
Au coeur de le controverse, le remboursement d'un prêt d'environ 9 millions contracté en 2014 par le Front national auprès d'une banque russe, la First Czech-Russian Bank.
UNION EUROPÉENNE - Le Pen assure ne pas vouloir en sortir
La virulence des échanges s'est poursuivie sur la question de l'Union européenne, Marine Le Pen démentant les accusations selon lesquelles elle souhaiterait toujours faire sortir la France du bloc.
"Je veux faire évoluer cette organisation européenne, mais Monsieur Macron, je ne pensais pas que vous tomberiez dans une forme de complotisme, je ne souhaite pas en sortir", a ironisé la candidate.
"Vous n'êtes pas claire, votre projet quand on remet brique à brique les choses en place, c'est un projet qui ne dit pas son nom mais qui consiste à faire sortir de l'Europe", a répliqué Emmanuel Macron.
ÉCOLOGIE - Le libre-échange pointé du doigt par Le Pen
Marine Le Pen a dénoncé "l'hypocrisie" consistant selon elle à parler de lutte contre le changement climatique sans remettre en cause le modèle de libre-échange.
"Le libre-échange tue la planète", a lancé la candidate du Rassemblement national en dénonçant l'impact des importations sur les émissions de gaz à effet de serre.
Qualifiant sa rivale de "climatosceptique", le président sortant Emmanuel Macron a relevé de son côté "l'incohérence" de Marine Le Pen, qui entend subventionner massivement les énergies fossiles pour limiter la hausse des prix de l'énergie.
"Vous êtes climatohypocrite, vous incarnez le pire de l'écologie punitive", a répliqué Marine Le Pen.
INTERDICTION DU VOILE - Macron accuse Le Pen de pousser à la guerre civile
"Vous allez créer la guerre civile si vous faites ça", a déclaré Emmanuel Macron après que Marine Le Pen a confirmé son projet d'interdiction du voile qu'elle considère comme un "uniforme" de l'islamisme, idéologie qui "s'attaque à l'égalité homme-femme".
"Ce que vous proposez est une trahison de l'esprit français, vous poussez des millions de nos compatriotes hors de l'espace public", a déclaré Emmanuel Macron. Ce serait "une loi de rejet", a-t-il lancé, sa rivale rétorquant que ce serait "une loi de défense de la liberté".
Marine Le Pen, qui avait ces derniers jours semblé revenir sur ce projet, a confirmé mercredi soir qu'elle était "pour l'interdiction du voile dans l'espace public". "Il s'agit de libérer les femmes, de faire reculer l'idéologie islamiste", a-t-elle assuré. "Je lutte contre l'idéologie islamiste", a-t-elle dit. "Je suis pas contre l'Islam, qui est une religion qui a toute sa place" en France, a-t-elle insisté.
La question du voile est un sujet récurrent et explosif en France depuis des années. Le port de signes religieux ostentatoires est interdit à l'école et dans les services publics, mais pas dans l'espace public.
asch avec les agences
Un sondage donne Emmanuel Macron vainqueur
Emmanuel Macron a été le plus convaincant lors du débat d'entre-deux-tours de la présidentielle, pour 59% des téléspectateurs, selon un sondage de l'institut Elabe publié jeudi.
Le président sortant et la candidate du Rassemblement national se sont affrontés mercredi lors d'un débat télévisé organisé mercredi soir sur TF1 et France 2, à quatre jours du second tour de l'élection présidentielle.
Ce sondage a été réalisé auprès d'un échantillon de 650 téléspectateurs, âgés de 18 ans et plus, ayant regardé le débat d'entre-deux tours diffusé le 20 avril. Les téléspectateurs ont été interrogés en fin d'émission.