A l’annonce des résultats dimanche soir à 20h, les partisans de Marine Le Pen n’ont pas caché leur déception: 41,45% des voix pour leur candidate, contre 58,55% pour Emmanuel Macron. Mais Marine Le Pen elle-même y voit une victoire et a assuré n'avoir aucun ressentiment.
"Enterrés, nous l'avons été mille fois et mille fois l'histoire a donné tort à ceux qui prévoyaient ou espéraient notre disparition. Dans cette défaite, je ne peux m'empêcher de sentir une forme d'espérance", a-t-elle réagi.
Je n'ai aujourd'hui aucun ressentiment, ni rancœur.
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Le tournant de 2002
En ascension constante depuis plusieurs années, l'extrême droite porte sérieusement l'espoir d'arriver au pouvoir depuis 20 ans. Depuis 2002 exactement, quand le Front national (ancien nom du RN) avait créé la surprise en accédant au second tour de la présidentielle pour la première fois de son histoire, aux dépens notamment du Parti socialiste de Lionel Jospin (16,86% des voix contre 16,18% pour le PS).
L'affiche du second tour d’alors opposait Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen, le père de Marine Le Pen. Mais le candidat du FN avait finalement récolté moins de 18% des voix, victime du barrage à l’extrême droite, un front républicain réunissant à peu près tous les autres partis de l'échiquier politique.
Le parti d'extrême droite a ensuite nettement manqué le second tour de la présidentielle de 2007 (Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal, Jean-Marie Le Pen 4e du premier tour avec 10% des voix). Puis, en 2011, Marine Le Pen reprend officiellement le flambeau du Front national en étant élue à sa présidence et se présente à la présidentielle de 2012, avec à la clé un sursaut du parti (3e place du premier tour avec 17,9% des voix, contre 28,6% pour François Hollande et 27,2% pour Nicolas Sarkozy).
Stratégie de dédiabolisation
Depuis vingt ans, Marine Le Pen travaille aussi sur l'image du parti, notamment face aux idées et aux déclarations de son père. La nouvelle dirigeante met en place une stratégie de dédiabolisation, quitte à se brouiller avec son père, coutumier des provocations dont elle ne veut plus. Marine Le Pen lisse ainsi son image, mais ses thèmes de prédilection restent les mêmes, notamment l’immigration et l’insécurité. Un même programme, mais avec des arguments qui touchent les classes populaires.
"Nous ne voulons pas de l'immigration économique que certains patronats voudraient nous imposer, pour faire baisser les salaires et voir grandir ainsi leur profit privé", déclare-t-elle par exemple en 2017.
Marine Le Pen, née à Neuilly, dans la banlieue chic de Paris, se présente comme la candidate du peuple contre les élites, comme la candidate de la vraie vie. Une stratégie payante: en 2017, elle accède au second tour de la présidentielle, éliminant les candidats de la droite et de la gauche. Face à Emmanuel Macron au second tour, elle obtient près de 34% des voix.
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Deuxième échec dans la course à l'Elysée
Durant les cinq années qui suivent, Marine Le Pen tente de surfer sur les colères engendrées par le quinquennat d'Emmanuel Macron, que ce soit avec les gilets jaunes ou durant la crise sanitaire.
En début de campagne, elle mise sur le thème du pouvoir d’achat, qui s’impose vite comme la préoccupation principale des Françaises et des Français.
Au final, elle engrange au second tour 7,5 points de pourcentage de plus qu’en 2017, mais rate de nouveau l'accession à l'Elysée. Un nouvel échec face au front républicain, "un système puissant" selon les proches de la candidate.
Mais certains observateurs politiques estiment que Marine Le Pen n’a pas su amener de propositions nouvelles, a trop hésité sur la question du voile et pas mené à terme la stratégie de dédiabolisation. Mais il n'est pas question de laisser la main. Dimanche soir, la candidate du Rassemblement national a annoncé qu’elle ne quittait pas la scène politique, bien au contraire.
Cap sur les législatives
Marine Le Pen a au contraire directement annoncé son prochain objectif: les élections législatives du mois de juin. La perdante du second tour peut rêver d'endosser un nouveau costume: celui de cheffe de l’opposition, grâce aux 41% de voix obtenus ce dimanche.
Le Rassemblement national n'a aujourd'hui que sept sièges à l'Assemblée nationale. Le parti vise désormais bien plus. Mais il est fréquemment pénalisé par le mode de scrutin, majoritaire à deux tours. Et pas question, pour l'heure, d'imaginer l'union de droites telle que l'a suggéré Eric Zemmour.
"Je poursuivrai mon engagement pour la France et les Français", a encore promis la candidate d'extrême droite. "Je mènerai cette bataille". "Le RN oeuvrera à unir tous ceux d'où qu'ils viennent qui veulent se rassembler et rassembler leurs forces contre Emmanuel Macron."
Sujet TV: Tamara Muncanovic
Adaptation web: ami/boi