Beaucoup d'opposants politiques, de journalistes ou de professionnels du domaine des technologies numériques cherchent aujourd'hui à échapper aux nouvelles lois répressives du Kremlin et aux conséquences des sanctions économiques en Russie. Ainsi, nombre d'entre elles et eux sont arrivés ces dernières semaines à Belgrade.
La Serbie est l'un des seuls pays européens à ne pas imposer de visa aux citoyens russes, et la capitale serbe est la dernière ville du continent à avoir gardé des liaisons aériennes directes avec Moscou.
Acteurs culturels menacés
Figure incontournable de la scène musicale moscovite et organisateur du principal festival indépendant de Russie, Stepan explique dans l'émission Tout un monde avoir sauté dans un avion quelques jours après l'invasion de l'Ukraine. "Je n'ai plus rien en Russie. Mon activité de producteur de festival est morte, il n'y aura plus de festivals de musique indépendante avec des groupes étrangers", dit-il.
Par ailleurs, il estime qu'il est désormais dangereux pour lui de rester dans le pays. "La grande majorité des artistes sont allés aux manifestations contre la guerre. Et ça fait de nous tous une cinquième colonne, des ennemis de l’État. Nous sommes tous en danger."
Soutien gênant
Il tente donc de refaire sa vie à Belgrade, avec l'aide de ses contacts de l'industrie musicale. Mais en plus de devoir batailler face aux sanctions européennes pour accéder à ses économies, il a découvert un pays largement pro-Poutine, dans lequel les opposants au Kremlin ne se sentent pas toujours à l'aise. À titre d'exemple, Belgrade est la seule ville d'Europe dans laquelle des manifestations importantes ont eu lieu en soutien à la guerre.
Il dit être souvent gêné face aux démonstrations de fraternité slave. "Certains nationalistes serbes me lancent: On est avec vous! La Russie va gagner et merde à l'Amérique", raconte Stepan. "Mais ouvrez les yeux, je suis un réfugié de ce régime!"
"Quand ils entendent que je suis Russe, les gens sont sympas avec moi", confie un autre réfugié. "Mais en même temps, ils ne connaissent pas grand-chose de la Russie. Ce qu'ils connaissent est basé sur beaucoup de désinformation, de propagande et de mythologie."
Drapeau alternatif
Alors, afin de réduire ce décalage, certains réfugiés organisent des événements ou tiennent des stands d'information pour changer la perception des Serbes. Ils arborent un drapeau alternatif de la Russie, blanc-bleu-blanc, inspiré de celui de la ville de Novgorod et utilisé dès les premiers jours de guerre comme symbole du mouvement anti-guerre.
"Nous avons enlevé la bande rouge car nous ne voulons pas que notre pays fasse couler du sang. La diaspora russe manifeste de plus en plus avec ce drapeau en Europe", explique un militant, alors que l'entraide des réfugiés ukrainiens, russes et biélorusses s'organise de plus en plus sur les réseaux, et notamment Telegram.
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Reportage radio: Louis Seiller
Texte web: jop
Exode numérique
Selon l'Association russe pour la communication électronique (RAEC), think tank spécialisé dans les nouvelles technologies, entre 50'000 et 70'000 programmateurs et développeurs auraient quitté la Russie dans les premières semaines de la guerre, et ce chiffre pourrait dépasser 150'000 à terme.
Les autorités russes cherchent d'ailleurs à freiner cet exode. Elles ont récemment annoncé des exonérations d'impôts et des exemptions de service militaire pour les professionnels et professionnelles de la Tech.