L'Eurovision s'est souvent aventurée sur la ligne de front des tensions géopolitiques agitant le Vieux continent. Et l'édition 2022 en est un tragique cas d'école avec pour toile de fond le conflit actuel en Ukraine.
Le tube "Stefania" du Kalush Orchestra, une berceuse mêlant rap et musique traditionnelle, défendra les couleurs de l'Ukraine lors du concours, dont la finale aura lieu le 14 mai à Turin, en Italie. "Je retrouverai toujours mon chemin vers la maison, même si toutes les routes sont détruites", dit le titre.
A deux semaines du grand soir, l'Ukraine a 42% de chances de gagner, loin devant le duo italien Mahmood et Blanco (14%) et la Suédoise Cornelia Jakobs (10%), selon le site eurovisionworld.com, qui agrège les principaux sites de paris en ligne.
Pas une première
La guerre en Ukraine planera lourdement sur l'événement mais "ce n'est pas inédit", rappelle l'historien Dean Vuletic, chercheur à l'Université de Vienne et auteur d'ouvrages sur la géopolitique de l'Eurovision.
En 1975, la Grèce a boycotté le concours pour protester contre l'invasion de Chypre par la Turquie, puis en 1992, les guerres consécutives à la dislocation de la Yougoslavie se sont invitées sur scène. En 2004, l'Ukraine a remporté le concours et l'année suivante, après la "Révolution orange", elle s'est présentée avec une chanson très politique mais qui est finalement acceptée.
Enfin l'an dernier, l'Union européenne de Radio-Télévision a exclu la Biélorussie au motif que les paroles de sa chanson attaquent de front l'opposition démocratique au président prorusse Alexandre Loukachenko.
Des votes de sympathie
Si l'Ukraine devrait recevoir un grand nombre de votes de sympathie, sa victoire n'est cependant pas assurée.
"Sur le plan musical, la contribution ukrainienne est solide mais il y en a d'autres. Le public montrera sûrement un fort soutien à l'Ukraine, cela ne signifie pas pour autant qu'elle gagnera. En 1993, la Bosnie et la Croatie n'avaient pas terminé très haut" alors que ces pays étaient sous le feu des troupes serbes, remarque Dean Vuletic.
Slobodan Todorovic, rédacteur en chef du site de fans de l'Eurovision Evrovizija.rs en Serbie, estime que l'Eurovision ne doit pas se résumer à une arène politique: "Une victoire de l'Ukraine [pour des raisons politiques] jetterait une ombre sur l'Eurovision et les valeurs qu'elle défend, la neutralité, l'indépendance de la politique, le respect et la promotion de la diversité".
afp/boi