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Scepticisme après l'adoption du bitcoin comme monnaie officielle par la Centrafrique

Le bitcoin fait son entrée en Centrafrique, dont il est la nouvelle monnaie officielle. Image d'illustration [AFP - Jakub Porzycki / NurPhoto]
Scepticisme après l'adoption du bitcoin comme monnaie officielle par la Centrafrique / La Matinale / 1 min. / le 2 mai 2022
La République centrafricaine a adopté la semaine passée le bitcoin comme monnaie officielle au côté du franc CFA, devenant le premier pays d'Afrique à prendre cette décision et seulement le deuxième au monde. La mesure a fait se lever quelques sourcils.

En dépit de ses réserves d'or et de diamants, la Centrafrique est l'un des pays les plus pauvres au monde. Elle est le théâtre de violences depuis des années.

L'Assemblée nationale a voté "à l'unanimité" des députés présents une loi "régissant la cryptomonnaie en République centrafricaine". Le président Faustin Archange Touadéra l'a ensuite promulguée. En plus de l'institution de la nouvelle monnaie légale, le texte prévoit que "les échanges en cryptomonnaies ne sont pas soumis à l'impôt".

Le 7 septembre 2021, le Salvador avait été le premier pays au monde à adopter le bitcoin comme monnaie légale. Le Fonds monétaire international (FMI) avait immédiatement dénoncé une décision dangereuse pour la "stabilité financière, l'intégrité financière et la protection des consommateurs".

"Cette démarche place la République centrafricaine sur la carte des plus courageux et visionnaires pays au monde", estime au contraire la présidence de la Centrafrique, pays en guerre civile depuis 2013.

Scepticisme à propos des motivations

Interrogé dans La Matinale, l'expert en innovation monétaire Virgile Perret émet quelques doutes quant à l'initiative, car seule une minorité de la population (4%) a accès à internet. "Je me demande comment le bitcoin pourrait fonctionner comme moyen d'échange, de monnaie dans ce pays", se questionne-t-il.

Il avance donc une autre hypothèse pouvant expliquer cette curieuse officialisation: "J'y vois plutôt peut-être une tentative de se positionner sur les cryptomonnaies et d'attirer des investisseurs, des start-up ou des acteurs économiques autour de cette annonce. Mais je suis assez sceptique sur le fait que la Centrafrique puisse vraiment utiliser le bitcoin comme monnaie officielle à côté du franc CFA."

Un autre expert émet également des réserves. "Le contexte, avec une corruption systémique et un partenaire russe sous sanctions internationales (lire encadré), incite à la suspicion", a déclaré à l'Agence France Presse Thierry Vircoulon, spécialiste de l'Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales (IFRI). "La recherche de voies de contournement des sanctions financières internationales par la Russie invite à la prudence", a-t-il poursuivi.

Les banques centrales occidentales s'inquiètent également de la possible utilisation des cryptomonnaies pour contourner les sanctions imposées à la Russie. Les appels à une régulation internationale se multiplient aux Etats-Unis et en Europe.

Pas la "panacée contre les défis économiques"

Le directeur du département Afrique du FMI Abebe Aemro Selassie a appelé jeudi à ne pas voir le bitcoin "comme une panacée contre les défis économiques" auxquels l'Afrique fait face.

"Dans l'hypothèse d'un mouvement bien préparé vers la numérisation et par le biais de l'utilisation des monnaies numériques des banques centrales", les cryptomonnaies "peuvent contribuer à un système de paiements plus robuste" sur le continent, a expliqué le responsable au cours d'une conférence de presse.

En revanche, "adopter simplement la possibilité d'utiliser le bitcoin est quelque chose qui doit être surveillé de manière très, très attentive", a souligné le dirigeant. "Il faut s'assurer que le cadre législatif, la transparence financière et la gouvernance sont bien en place."

Selon Virgile Perret, rien ne dit que le bitcoin contribue au renforcement du système financier: "Les Etats dont la souveraineté monétaire est pratiquement nulle ou fragile, comme le Salvador ou la Centrafrique, peuvent être séduits par les promesses du bitcoin. Derrière, il y a l'idée que la technologie va résoudre tous les problèmes, de corruption, d'inclusion financière, d'efficacité. Mais on se rend compte que, en fait, c'est plus compliqué."

>> Lire aussi : Retour sur la folle année en bourse et les perspectives du bitcoin

Cynthia Racine/ami avec agences

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Un pays instable parrainé par la Russie

Fin 2020, une majorité des groupes armés qui occupaient alors les deux tiers du territoire ont lancé une offensive contre le pouvoir du président Touadéra, qui a appelé Moscou à l'aide. Déjà présents depuis 2018, des paramilitaires russes sont venus en renfort aux côtés des soldats centrafricains pour repousser l'offensive rebelle.

Mais l'ONU, des ONG internationales et la France, l'ancienne puissance coloniale, dénoncent régulièrement des "crimes" commis par des "mercenaires" de la compagnie russe de sécurité privée Wagner, comme par la rébellion. Et elles accusent le pouvoir de M. Touadéra d'avoir mis le pays sous la coupe de Wagner, affirmant que cette dernière "pille" les ressources du pays, notamment en minerais précieux.