Une loi a institué en 1998 en Autriche une commission spéciale rassemblant une dizaine de chercheurs. Leur mission est d'inspecter les collections publiques du pays pour identifier les objets et oeuvres d'art spoliés par les nazis afin de les restituer.
"Nous n'attendons pas qu'une réclamation soit déposée (…), notre mission est d'examiner systématiquement tous les objets et toutes les acquisitions faites durant la période nazie mais aussi entre 1933 et 1938 ainsi que dans l'immédiat après-guerre", explique l'un des membres de la commission lundi dans l'émission Tout un monde de la RTS.
"Travailler sur les petites collections est plus compliqué"
Depuis près de 20 ans, Leonhard Weidinger sonde les réserves du Musée des Arts Appliqués de Vienne (MAK). "Nous regardons chaque pièce et nous essayons de trouver des documents pour chacune d'entre elles. Ensuite je peux dire si un objet a potentiellement été spolié", poursuit-il.
Pour les grosses collections, comme la collection Rothschild, ce travail a en grande partie déjà été fait, même s'il reste toujours ouvert. Aujourd'hui, Leonard Weidinger travaille sur des collections plus modestes, pour lesquelles il y a moins d'indices. "Travailler sur les petites collections, pour lesquelles il n'y a ni inventaire ni de photos, est plus compliqué. Elles ont été démantelées et revendues", souligne-t-il.
Plus de 62'000 pièces déjà restituées
Ces chercheurs ne travaillent pas pour les musées mais bien pour la commission. Et leurs découvertes sont examinées par un conseil, qui décide ensuite s'il peut y avoir ou non restitution. Cette garantie d'indépendance a permis, en 20 ans, d'ordonner la restitution de plus de 62'000 pièces.
Il peut s'agir de tableaux de maître, mais aussi d'objets du quotidien bien plus modestes. A l'exemple d'une collection de Mandlbögen (théâtres miniatures en papier) que l'Autriche a récemment restituée à Maria Hochreiter. Elle appartenait à son grand-oncle Moriz Grünebaum, déporté et mort dans le ghetto de Theresienstadt en 1942.
"La restitution d'un passé gardé sous silence"
"On ne m'a pas uniquement restitué des Mandlbögen", explique-t-elle. "Grâce à la biographie de mon grand-oncle, j'ai appris beaucoup de choses sur ma propre famille. C'est donc la restitution d'une personne, mais aussi de ma famille et d'un passé gardé sous silence".
Ce travail est salué par l'Israelitische Kultusgemeinde Wien (IKG), organisation qui représente les juifs d'Autriche et pour laquelle oeuvre Erika Jakubovits. Un immense travail est fait pour inspecter les collections publiques, reconnaît celle-ci, mais il faudrait aussi ouvrir le débat sur les œuvres spoliées qui sont aujourd'hui la possession d'institutions et de personnes privées.
"Chacun doit faire quelque chose"
"Le domaine privé représente une grande inconnue, car on ne sait pas combien d'oeuvres sont en possession privée et comment elles sont arrivées là", constate Erika Jakubovits. "Chacun doit faire quelque chose pour que naisse une prise de conscience et que chaque personne possédant une collection ou quelques tableaux se demande: qu'est-ce que j'ai à la maison? Est-il possible que ce soit entré injustement en ma possession et que je doive donc faire quelque chose?"
Selon un rapport du Congrès américain, environ 600'000 oeuvres d'art ont été volées par les nazis entre 1933 et 1945, dont un tiers rien qu'en Allemagne et en Autriche.
Isaure Hiace/oang