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Les Afghanes ont la résistance "dans le sang", selon la reporter Solène Chalvon-Fiorti

Un combattant taliban monte la garde alors que des personnes reçoivent des rations alimentaires distribuées par un groupe d'aide humanitaire chinois, pendant le mois sacré du Ramadan, à Kaboul, en Afghanistan, samedi 30 avril 2022. [Keystone]
Un combattant taliban monte la garde alors que des personnes reçoivent des rations alimentaires distribuées par un groupe d'aide humanitaire chinois, pendant le mois sacré du Ramadan, à Kaboul, en Afghanistan, samedi 30 avril 2022. / La Matinale / 1 min. / le 3 mai 2022
Aux mains des talibans depuis le 15 août 2021, l'Afghanistan s'enfonce de plus en plus profondément dans la crise, alors que les femmes afghanes de plus de neuf ans sont interdites d'école dans une indifférence quasi générale.

En Afghanistan, environ 95 % de la population ne mange pas à sa faim et plus de la moitié est menacée par la famine après un hiver rude et une sécheresse causée par le réchauffement climatique. A Kaboul, la capitale, le nombre de personnes qui mendient pour survivre a explosé. "La situation de famine en Afghanistan est en train de basculer dans l'horreur", explique au micro de La Matinale mardi Solène Chalvon-Fiorti, grande reporter en Afghanistan.

La condition des femmes se détériore

Solène Chalvon-Fiorti regrette en outre le traitement médiatique occidental relatif à l'interdiction d'école pour les filles afghanes. "On voit que toutes les filles qui ont plus de neuf ans ne vont plus à l'école dans l'indifférence générale. Je me demande vraiment ce qui se passerait dans le monde si on entendait parler un jour d'un pays où les garçons sont enfermés chez eux à partir de neuf ans", a-t-elle déclaré.

Les filles ne vont plus à l’école dès neuf ans, dans l’indifférence générale. Que se passerait-il dans le monde si on entendait parler d’un pays où les garçons sont enfermés chez eux à partir de neuf ans?

Solène Chalvon-Fiorti, grande reporter en Afghanistan

Elle rappelle que "les filles à Bâmiyân, à Kandahar, à Hérat, qui manifestent à 12 ans pour avoir le droit d'aller à l'école, qu'on présente quand même dans le monde entier comme des victimes qui ne pourraient rien faire par elles-mêmes, se coordonnent, s'échangent des messages, se donnent des rendez-vous. Toutes ces techniques-là, les Afghanes les ont dans le sang".

Revirement stratégique des Afghanes

Abandonnées par les Occidentaux, "les Afghanes se tournent donc vers des pays musulmans (Pakistan, Qatar) pour défendre leurs droits", explique la grande reporter. En effet, les femmes afghanes doivent obtenir du soutien de pays qui peuvent discuter avec le régime taliban sur des bases culturelles moins différenciées, plus contrastées.

Solène Chalvon-Fiorti espère donc que ces pays musulmans actifs dans la diplomatie avec le régime taliban puissent faire respecter les droits les plus basiques des femmes afghanes: s'éduquer, se soigner et travailler. Il faut selon elle que ces pays expliquent aux talibans que "la charia commande d'éduquer sa fille, que la charia commande de soigner sa femme, donc, que si tu es un bon musulman, tu dois choisir de suivre ces enseignements islamiques".

>> L'interview complète de Solène Chalvon-Fiorti dans la Matinale :

L'invitée de La Matinale - Solène Chalvon-Fioriti, journaliste grand reporter en Afghanistan
L'invitée de La Matinale - Solène Chalvon-Fioriti, journaliste et grande reporter en Afghanistan / La Matinale / 11 min. / le 3 mai 2022

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation Web : Julien Furrer avec ats

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Instructions verbales pour empêcher les jeunes femmes de conduire

Des responsables talibans de Herat, ville du nord-ouest la plus progressiste d'Afghanistan, ont demandé aux moniteurs d'écoles de conduite de ne plus délivrer de permis aux femmes, ont indiqué des professionnels du secteur à l'agence AFP.  L'Afghanistan est un pays profondément conservateur et patriarcal, mais il n'est pas rare que des femmes conduisent dans les grandes villes.

"Nous avons verbalement reçu l'instruction de ne plus délivrer de permis de conduire aux femmes, mais nous n'avons pas reçu l'instruction d'empêcher les femmes de conduire dans la ville", a déclaré le directeur de l'Institut de gestion du trafic de la ville. Naim al-Haq Haqqani, qui dirige le département provincial de l'information et de la culture, a déclaré qu'aucun ordre officiel n'avait été donné.

Insécurité de monter dans la voiture d'un homme

Les talibans se sont largement abstenus de publier des décrets nationaux écrits, laissant plutôt les autorités locales publier leurs propres édits, parfois verbalement.

Adila Adeel, une monitrice d'auto-école de 29 ans qui possède un institut de formation, a déclaré que les talibans veulent s'assurer que la prochaine génération n'aura pas les mêmes opportunités que leurs mères. "On nous a dit de ne pas proposer de leçons de conduite et de ne pas délivrer de permis", a-t-elle déclaré.

Par ailleurs, selon plusieurs témoignages, il est plus sûr pour une femme de conduire son propre véhicule que de monter dans des véhicules conduits par des hommes, notamment des taxis.

Crise financière et humanitaire

Le PIB par habitant est attendu, d'ici fin 2022, en baisse d'environ 30% par rapport à fin 2020, l'économie s'est effondrée et le chômage explose.

La politique occidentale en matière de sanctions économiques contre le régime taliban, notamment les gels d'avoirs de la banque centrale afghane et l'arrêt brutal de l'aide internationale, provoque cette crise financière et humanitaire et contribue donc au renforcement de l'insécurité dans le pays.