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Le gouvernement du Sri Lanka ordonne de tirer à vue pour réprimer les émeutes

Au Sri Lanka, les émeutes ont fait 8 morts et plus de 200 blessés
Au Sri Lanka, les émeutes ont fait 8 morts et plus de 200 blessés / 19h30 / 2 min. / le 11 mai 2022
Le ministère de la Défense du Sri Lanka a ordonné à ses troupes de tirer à vue sur les personnes impliquées dans des pillages ou des violences. Cette décision intervient au lendemain d'actions de manifestants anti-gouvernementaux contre les domiciles d'élus du parti au pouvoir.

"Les forces de sécurité ont reçu l'ordre de tirer à vue sur quiconque pillera des biens publics ou attentera à la vie" d'autrui, a déclaré mardi le ministère.

Le gouvernement srilankais a déployé des dizaines de milliers de militaires - armée de terre, marine et aviation - pour patrouiller dans les rues agitées de la capitale Colombo et ailleurs, au lendemain d'une journée de violences.

Des groupes anti-gouvernementaux ont bloqué mardi le trafic sur la route principale menant à l'aéroport de la capitale Colombo pour s'assurer que des membres et des partisans du gouvernement ne tentaient pas de quitter l'île, selon des témoins.

>> Lire aussi : Le Premier ministre sri-lankais démissionne après de violents affrontements

Huit morts

La police a déclaré mardi que huit personnes, dont deux policiers, ont été tuées durant une flambée de violences la nuit précédente. 65 bâtiments d'habitation ont été endommagés, dont 41 ont brûlé, et 88 voitures et bus ainsi que des centaines de deux-roues ont été détruits, selon la même source. Selon le principal hôpital de la capitale, 219 personnes ont été blessées lors des violences de lundi et admises pour être soignées.

Mardi 10 mai: une voiture brûlée à un carrefour de Colombo, au Sri Lanka, au lendemain des affrontements entre partisans du gouvernement et manifestants anti-gouvernementaux qui ont entraîné la démission du Premier ministre. [Keystone - AP Photo/Eranga Jayawardena]
Mardi 10 mai: une voiture brûlée à un carrefour de Colombo, au Sri Lanka, au lendemain des affrontements entre partisans du gouvernement et manifestants anti-gouvernementaux qui ont entraîné la démission du Premier ministre. [Keystone - AP Photo/Eranga Jayawardena]

"Les gens sont en colère après les attaques lancées contre nous hier. Et malgré le couvre-feu, nous avons beaucoup de volontaires qui viennent nous apporter de la nourriture et de l'eau", a déclaré l'un des manifestants, ajoutant: "Nous ne partirons pas tant que le président ne s'en ira pas". La veille, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa, également frère du président Gotabaya Rajapaksa, avait annoncé sa démission.

Etat d'urgence et couvre-feu

Le Sri Lanka est sous état d'urgence depuis vendredi, ce qui donne des pouvoirs élargis aux militaires pour arrêter des suspects.

Le gouvernement a également décrété un couvre-feu de deux jours, après l'attaque lundi par des partisans du pouvoir contre une manifestation pacifique, démarrée il y a un mois, demandant la démission du président Gotabaya Rajapaksa. Le pays est secoué depuis plusieurs semaines par des manifestations quotidiennes contre le gouvernement des Rajapaksa après des mois de pénuries marquant la plus grave crise économique depuis l'indépendance en 1948.

L'armée a exfiltré tôt mardi l'ex-Premier ministre de sa résidence officielle à Colombo, pour le placer en sécurité après que les manifestants en ont forcé un des portails.

Le président Gotabaya Rajapaksa est toujours en fonction, jouissant de pouvoirs étendus et du commandement des forces de sécurité. Même avec un gouvernement de coalition, il pourra nommer et destituer les ministres ainsi que les juges, et bénéficiera de l'immunité.

fgn avec les agences

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Investigations indépendantes demandées par l'ONU

Par ailleurs, l'ONU a demandé plus tôt dans la journée aux autorités du Sri Lanka d'empêcher de nouvelles violences et d'entamer le dialogue avec la population, excédée par des mois de graves pénuries de nourriture, carburant et médicaments.

La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, qui s'est dite "profondément troublée", appelle à "un dialogue significatif" sur les revendications de la population face à la crise économique dans le pays. Et à empêcher de nouvelles violences contre des protestataires. Par ailleurs, Michelle Bachelet a demandé des investigations indépendantes sur cette situation.

L'UE demande l'arrêt des violences

De son côté, l'Union européenne a exhorté mardi "toutes les parties" au Sri Lanka à s'abstenir de recourir à la violence après l'ordre donné à l'armée de tirer à vue pour réprimer les émeutes.

Paulraj Kanthia: "Les gens n'ont plus la foi dans leur gouvernement"

Quand la famille Rajapaksa a été menée au pouvoir en 2005 au Sri Lanka, elle a été portée par la victoire contre les Tamouls. Mais le pays en est sorti fortement endetté, surtout envers la Chine.

Cette situation n'empêche pas le Sri Lanka de lancer de nombreux projets de constructions, notamment d'un port dans le sud ou encore d'un aéroport. Toutefois, leurs retombées économiques ne viennent pas, comme l'explique dans Forum Paulraj Kanthia, élu PLR au conseil communal de Lausanne. S'en suivent une grave inflation, des pénuries de médicaments, des manifestations...

"Les gens n’ont pas le revenu disponible pour acheter tout ce dont ils ont besoin La situation est catastrophique, c'est pourquoi ils sont descendus dans la rue", explique le Lausannois d'origine sri-lankaise qui a gardé des liens forts avec ce pays. "Les gens n'ont plus la foi en cette famille."

Quid de la suite? "On espère que la famille Rajapaksa quitte le pouvoir. Les Sri-Lankais espèrent maintenant que des intellectuels et des gens issus de la population civile mettent en place un gouvernement de transition avec une coalition, jusqu’à des élections afin de proposer un vrai programme de développement économique", conclut-il.

>> Ecouter l'interview complète de Paulraj Kanthia dans Forum :

Manifestations contre le gouvernement au Sri Lanka: interview de Paulraj Kanthia
Manifestations contre le gouvernement au Sri Lanka: interview de Paulraj Kanthia / Forum / 4 min. / le 10 mai 2022