L'idée d'une confédération européenne pour rapidement intégrer l'Ukraine refait surface
Lancé en 1989 dans la foulée de la chute du mur de Berlin, le projet de confédération politique européenne renaît de ses cendres trente ans plus tard, porté par la guerre en Ukraine et le casse-tête du processus d'élargissement de l'Union européenne.
"L'idée est d'avoir une confédération qui mette ensemble les 27 pays membres de l'Union européenne, plus les neuf potentiels candidats d'Europe de l'Est ou des Balkans, à partir de l'Ukraine", explique Enrico Letta, président de l'Institut Jacques Delors et secrétaire du Parti démocrate italien, invité de l'émission Géopolitis. "C'est une façon de faire entrer tout de suite l'Ukraine dans la famille européenne", souligne-t-il.
Cette proposition, qu'il détaille dans un texte fondateur publié le 9 mai, jour de l'Europe, a depuis été reprise par Emmanuel Macron au détour d'un discours au Parlement européen à Strasbourg. Le président français proposait lui une "communauté politique européenne", qui offrirait aux pays désireux de rejoindre l'UE "une autre forme de coopération".
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Signal fort
Depuis l'invasion russe, le 24 février, l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie ont successivement envoyé leur candidature d'adhésion à l'UE. Or, Emmanuel Macron l'a rappelé, le processus est long. Il peut prendre plusieurs années, voire des décennies. La Macédoine du Nord a par exemple le statut de candidate depuis 2005.
Pour les Vingt-Sept, il s'agit donc de trouver une façon de donner un signal fort à l'Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, sans pour autant dégrader les conditions d'adhésion à l'UE ni fragiliser l'équilibre déjà difficile entre les pays membres.
"Notre destin à nous, Européens, Occidentaux, c'est de sauver le peuple ukrainien", insiste Enrico Letta. C'est pourquoi il défend une confédération qui permettrait d'éviter de créer un sentiment de frustration, qui risquerait de se retourner contre l'UE, estime-t-il.
Aucun pays n'a attendu moins de dix ans pour entrer dans l'Union européenne
La Confédération offrirait ainsi aux Etats qui le souhaitent le temps nécessaire pour négocier leur adhésion tout en partageant déjà des valeurs politiques, une zone de libre échange économique et des positions sur l'éducation, avec Erasmus par exemple.
"J'ajoute tout de suite que cette idée de confédération au début n'a pas besoin de traité ni de modifications aux traités européens. Cela peut se passer comme un G20", imagine Enrico Letta, pour qui une première réunion de ces 36 pays "paneuropéens" pourrait déjà avoir lieu à l'automne.
Pour la Suisse aussi
Au sortir de la Guerre froide, la proposition de confédération politique européenne émise par l'ancien président français François Mitterrand avait rapidement été rejetée car elle prévoyait d'intégrer la Russie. Aujourd'hui, cet obstacle est levé. Une confédération européenne représenterait de facto un camp alternatif à Moscou tout en permettant des relations multilatérales entre les pays plutôt que bilatérales, entre un pays et Bruxelles.
A long terme, une confédération permettrait aussi d'intégrer à certaines discussions d'autres pays proches de l'UE sans pour autant en faire partie. Des pays comme la Suisse, la Norvège ou encore le Royaume-Uni et la Turquie pourraient aussi intégrer un tel ensemble.
Propos recueillis par Jean-Philippe Schaller
Adaptation web: Juliette Galeazzi