Le président finlandais et un conseil gouvernemental "ont conjointement décidé que la Finlande allait demander à devenir membre de l'Otan", a déclaré le chef de l'Etat Sauli Niinistö.
"C'est un jour historique. Une nouvelle ère s'ouvre", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse.
Alors que le Kremlin a justifié son invasion de l'Ukraine par le risque d'extension de l'Otan à ses portes, une adhésion de la Finlande rallongerait de quelque 1300 kilomètres la frontière entre la Russie et les pays de l'alliance.
Malgré une hostilité de dernière minute de la Turquie, les pays membres de l'Otan sont "sur la bonne voie" pour trouver un consensus sur l'intégration de la Finlande et la Suède, a jugé le chef de la diplomatie croate Gordan Grlic Radman, dimanche en marge d'une réunion des ministres de l'alliance à Berlin.
>> Lire aussi : Une adhésion de la Suède et de la Finlande à l'Otan serait un "échec majeur" pour Poutine
La Turquie reproche aux deux pays, et à Stockholm particulièrement, de faire preuve d'une trop grande mansuétude vis-à-vis du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, bien qu'il soit sur la liste de l'UE des organisations terroristes.
Formellement, les deux pays doivent ensuite transmettre leur candidature au siège de l'Otan en vue de l'ouverture de négociations d'adhésion, qui nécessitent une unanimité des 30 membres actuels.
Lundi devant le Parlement
Après l'annonce de l'exécutif, le Parlement finlandais doit désormais examiner lundi le projet d'adhésion, avec un vote prévu selon le président de la chambre.
Avec le soutien acquis samedi du parti social-démocrate de la Première ministre Sanna Marin, ce dernier doit se traduire par une majorité fleuve d'au moins 169 oui parmi les 200 parlementaires finlandais, selon les dernières projections.
"Nous espérons que le Parlement confirmera la décision de candidature à l'Otan durant les prochains jours. Elle sera basée sur un mandat clair", a affirmé Sanna Marin.
Outre une grande frontière, les deux pays partagent un passé douloureux. Ancien grand duché russe, la Finlande avait été envahie par l'Union soviétique en 1939. Le pays a été en guerre avec l'URSS pendant la majeure partie du second conflit mondial, puis contraint durant la Guerre froide à une neutralité forcée, sous le contrôle de Moscou.
Soutien populaire
Selon les derniers sondages, la part des Finlandais voulant rejoindre l'alliance à dépassé les trois quarts, soit le triple du niveau d'avant la guerre en Ukraine. Seuls les membres de l'Otan bénéficient du célèbre article 5 de protection mutuelle, pas les candidats.
En Suède, où une adhésion est aussi discutée, le soutien a également bondi, mais autour des 50% - pour environ 20% d'avis défavorables.
Vladimir Poutine averti
Samedi, le président finlandais avait appelé son homologue russe Vladimir Poutine pour l'informer de la demande d'adhésion imminente de son pays, qui suscite l'hostilité de Moscou.
Le président russe lui a signifié qu'adhérer à l'Otan "serait une erreur", jugeant qu'il "n'y a aucune menace à la sécurité de la Finlande", selon le Kremlin.
Helsinki anticipe des mesures de représailles russes, mais ne croit pas à une opération militaire.
La Suède devrait suivre
Dans une inversion de sa ligne de toujours, le parti social-démocrate au pouvoir en Suède a décidé dimanche en fin de journée qu'il soutenait une adhésion, sous réserve que le pays n'abrite pas de base permanente de l'Otan ni d'armes nucléaires.
Une candidature commune avec la Finlande, désormais assurée, est "le mieux pour la Suède et sa sécurité", a affirmé la Première ministre Magdalena Andersson au terme d'une réunion extraordinaire du parti à Stockholm.
La dirigeante suédoise se rendra lundi au Parlement pour "s'assurer d'un large soutien parlementaire pour une candidature à l'Otan" - désormais acquis. Le gouvernement suédois prendra ensuite sa décision, qui tournerait la page de plus de 200 ans hors des alliances militaires, a-t-elle reconnu.
L'"agression" en Ukraine "ne paie pas"
Après avoir rompu avec leur neutralité dans les années 1990 avec la fin de la Guerre froide, en devenant partenaires de l'Otan et membres de l'Union européenne, les deux nations s'amarreraient ainsi un peu plus aux blocs occidentaux.
Une entrée dans l'Otan des deux pays nordiques, vue d'un très mauvais oeil par Moscou, serait la preuve qu'"une agression" comme la guerre en Ukraine "ne paie pas", s'est félicité le secrétaire général de l'alliance occidentale, Jens Stoltenberg.
Les Etats-Unis "soutiennent fortement" les demandes d'adhésion à l'Otan de la Suède et de la Finlande, a assuré dimanche à Berlin le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
ats/cab
Un processus très codifié
Après les négociations d'adhésion qui peuvent être brèves, le processus de ratification parlementaire par les pays membres prend lui plusieurs mois.
L'adhésion à l'Otan impose au pays candidat un véritable examen d'entrée au cours duquel il doit convaincre chacun des trente membres de l'Alliance de son apport pour la sécurité collective et de sa capacité à répondre aux obligations imposées par le club.
Unanimité requise
Le processus est codifié: une fois la décision prise par un pays tiers d'adhérer, les membres de l'Otan doivent accepter à l'unanimité de l'inviter à les rejoindre.
L'invitation des membres lance les pourparlers d'adhésion: deux réunions ont lieu au siège de l'organisation à Bruxelles, où le postulant doit convaincre les représentants des pays et les experts de l'Alliance de sa capacité à accepter "les obligations et engagements politiques, juridiques et militaires découlant du Traité de Washington et de l'Etude (de 1995) sur l'élargissement de l'Otan".
Les entretiens au siège de l'Otan permettent de débattre des questions juridiques, des ressources, de la sécurité, de la protection des informations classifiées et de la contribution au budget commun, basée sur la taille de l'économie du pays par rapport à celle des autres membres de l'Alliance.
Le pays candidat doit s'engager à accomplir les réformes nécessaires et doit ensuite adresser "une lettre d'intention" au secrétaire général de l'Otan, avec "un calendrier d'exécution des réformes".
L'étape finale est la ratification du protocole d'adhésion par chacun des Etats membres de l'Otan: ils transmettent leur acceptation du nouveau membre au gouvernement des Etats-Unis, dépositaire du Traité de l'Atlantique Nord.