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Qui est Elisabeth Borne, la technocrate loyale propulsée Première ministre en France?

En France, Elisabeth Borne, technicienne issue de la gauche,  vient d'être nommée Première ministre
En France, Elisabeth Borne, technicienne issue de la gauche, vient d'être nommée Première ministre / 19h30 / 1 min. / le 16 mai 2022
Proche du PS avant de soutenir loyalement Emmanuel Macron, ingénieure maîtrisant ses dossiers, technocrate consacrée au service public, trois fois ministre, mais peu connue ou second choix manquant d'empathie, la nouvelle Première ministre française Elisabeth Borne présente un profil plutôt atypique.

Une personnalité peu connue

Trois semaines après sa réélection, Emmanuel Macron a levé le suspense lundi sur le très attendu poste de Premier ministre. Le chef de l'Etat a désigné Elisabeth Borne comme cheffe du gouvernement, surprenant à nouveau en optant pour une personnalité peu connue, après Édouard Philippe en 2017 et Jean Castex en 2020.

Durant sa première prise de parole, l'ex-ministre du Travail et de la Transition écologique a placé le défi climatique et écologique au centre de ses préoccupations. "Il faut agir plus vite et plus fort, je suis convaincue que nous pourrons le faire en associant encore davantage les forces vives de notre territoire, parce que c'est bien au plus près des Français qu'on trouvera les bonnes réponses", a-t-elle lancé.

Dans un message publié sur Twitter, Emmanuel Macron a énuméré les priorités qu'il attendait de la nouvelle cheffe du gouvernement: "écologie, santé, éducation, plein-emploi, renaissance démocratique, Europe et sécurité". La composition de son gouvernement, qui sera connue rapidement, donnera aussi davantage de précisions sur son programme.

>> Lire aussi : Elisabeth Borne devient la deuxième cheffe du gouvernement en France

Pas forcément le premier choix

Mais Elisabeth Borne était-elle véritablement le premier choix d'Emmanuel Macron? Ces derniers jours, d'autres noms étaient évoqués, comme ceux des anciennes ministres Catherine Vautrin (ex-LR), Valérie Létard (centre) ou Marisol Touraine (ex-PS). La première était souvent citée, mais faisait grincer des dents au sein de la Macronie en raison de son profil à droite et son opposition à l'époque au mariage pour tous.

Si le chef de l'Etat a voulu contenter son camp avec une fidèle du parti et une personnalité mieux acceptée de ses caciques, nombre d'observateurs parlent d'un "plan B", à l'image du Monde qui estime que son nom s'est peu à peu usé dans la course aux rumeurs des derniers jours. Le Figaro raconte pour sa part qu'Emmanuel Macron a été contraint de céder aux pressions de son camp et a écarté Catherine Vautrin.

>> Ecouter l'interview de Laurie Théron, créatrice du podcast " Les Mariannes", dans Forum :

Elisabeth Borne devient la deuxième cheffe du gouvernement français (vidéo)
Elisabeth Borne devient la deuxième cheffe du gouvernement français (vidéo) / Forum / 3 min. / le 17 mai 2022

30 ans après Edith Cresson

Tous les médias ont aussi rappelé qu'Elisabeth Borne n'est que la deuxième femme à occuper le poste de Premier ministre, 30 ans après Edith Cresson, qui avait dirigé le gouvernement entre 1991 et 1992, sous la présidence de François Mitterrand. Selon Le Monde, ce choix vise à renvoyer une image de modernité, comme le souhaitait Emmanuel Macron, régulièrement accusé de gouverner avec un "boys club", selon les termes du quotidien.

Lors des précédents remaniements, le chef de l'Etat n'a jamais caché son souhait de nommer une femme à Matignon, mais il n'a pas concrétisé ce choix. L'ouverture d'une "nouvelle ère" l'aurait incité à franchir le pas.

De son côté, L'Express cite l'un des plus proches observateurs du macronisme: "Il cherchait un Alain Juppé avec une perruque". Le magazine nuance toutefois avec les propos de l'ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndyaye: "Il voit la personne avant le sexe. Il porte attention à la compétence avant le reste." Pour Libération enfin, la nomination d'une femme à Matignon est un événement, mais pas une rupture. Elle signe plutôt la poursuite d'une même politique.

>> La revue de presse de Tout un monde :

Elisabeth Borne. [Keystone - EPA/CHRISTIAN HARTMANN]Keystone - EPA/CHRISTIAN HARTMANN
Elisabeth Borne, nouvelle Première ministre française / Tout un monde / 2 min. / le 17 mai 2022

Une carrière consacrée au service public

Née le 18 avril 1961 à Paris, Elisabeth Borne est ingénieure de formation, diplômée de l'Ecole nationale des Ponts et chaussées et de Polytechnique. Cette haut fonctionnaire présente une carrière essentiellement consacrée au service public, en occupant notamment les postes de directrice de la stratégie de la SNCF, présidente de la RATP ou directrice de l'urbanisme à la mairie de Paris. Elle a aussi fait un passage dans le privé en étant chargée des concessions du groupe Eiffage.

Divorcée et mère d'un enfant, discrète sur sa vie privée, la nouvelle Première ministre s'est également fait connaître en travaillant dans les cabinets socialistes des années 1990, dans l'entourage notamment de Lionel Jospin et Jack Lang. Elle a aussi été préfète de la région Poitou-Charentes avant de devenir directrice de cabinet de la ministre de l'Environnement Ségolène Royal en 2014.

De la gauche à la Macronie

Elisabeth Borne se définit elle-même comme "une femme de gauche" avec "la justice sociale et l'égalité des chances" au coeur de ses combats. Elle est membre de l'aile gauche de la Macronie, un atout à l'heure où s'annoncent de nouvelles réformes sociales, comme celle des retraites. Longtemps proche du PS, elle a adhéré à La République en Marche en 2017. Depuis 2020, elle est membre de "Territoires de progrès", un mouvement politique rassemblant la sensibilité de centre-gauche de la Macronie, avec notamment le ministre Jean-Yves Le Drian.

Son parcours politique vise également à rassurer les électeurs de centre-gauche que l'alliance entre la France insoumise, le PS et les Verts autour de Jean-Luc Mélenchon pourrait effrayer. Et ce sans fâcher la sensibilité de centre-droit qui constitue aussi le parti présidentiel.

Trois fois ministre

Au sein de la Macronie, Elisabeth Borne est vue comme une personnalité extrêmement loyale au président. Ces derniers mois, elle a d'ailleurs multiplié les interventions dans les médias pour défendre l'action du gouvernement durant le premier quinquennat.

Cette fidélité a eu pour récompense sa nomination dans trois ministères jugés difficiles ces cinq dernières années, ce qui a peut-être fait la différence dans la course à l'accession à Matignon. Elle a tout d'abord géré le portefeuille des Transports dans les gouvernements d'Edouard Philippe (2017-2019), devant notamment gérer la délicate réforme de la SNCF.

Elle a ensuite remplacé François de Rugy comme ministre de la Transition écologique et solidaire lors d'un remaniement en juillet 2019, un poste très exposé avec le climat alors au centre des préoccupations. En juillet 2020, elle a pris la direction du ministère du Travail, en pleine crise sanitaire liée au Covid-19. Elle a notamment dû gérer le très contesté dossier de la réforme de l'assurance chômage, dénoncée unanimement par les syndicats.

Une technocrate maîtrisant ses dossiers

Le côté technocrate de la nouvelle cheffe du gouvernement est fréquemment utilisé pour la décrire. Beaucoup voit en elle avant tout une femme de dossiers qui a fait sa carrière dans les ministères. On la dit efficace et connaissant bien les sujets qui la concernent, on la voit également comme une personnalité qui n'est pas très marquée idéologiquement et qui n'a pas d'ambition politique particulière, mais qui maîtrise les rouages de la haute fonction publique. Bref, une politicienne au service de l'Etat, à l'image de son prédécesseur Jean Castex.

D'autres la considèrent plutôt comme une exécutante manquant d'envergure. Ce profil a d'ailleurs soulevé certaines critiques dans la presse, L'Obs décrivant un moine soldat au féminin et Marianne une femme "ni sociale, ni écolo". "Si on se dit qu'il y a besoin d'empathie, pour le coup, vous partez de loin", grinçait aussi récemment un responsable syndical.

Dans les couloirs des ministères où elle a officié, mais aussi à la RATP, on rappelle aussi que la nouvelle locataire de Matignon a parfois été surnommée "Borne out" pour sa dureté supposée envers ses collaborateurs. On dit qu'elle a souvent fait sortir des employés en larmes de son bureau. D'autres vantent au contraire sa ténacité et une volonté exemplaire.

Des législatives à haut risque

Elisabeth Borne a été nommée Première ministre en mai, mais elle pourrait devoir faire ses valises en juin déjà, car les élections législatives pourraient changer la donne. Ce scrutin pourrait jouer le rôle de caution à son investiture, mais aussi voir un autre camp l'emporter, ouvrant une période de cohabitation incompatible avec son maintien à Matignon. Elle sera donc en première ligne pour éviter le scénario catastrophe, à savoir la perte de la majorité à l'Assemblée nationale pour le camp Macron.

La cheffe du gouvernement a d'ailleurs été investie dans le Calvados pour ces législatives et devra entamer une double course: sa propre campagne mais aussi celle revenant au Premier ministre, traditionnellement en charge de mener la majorité au niveau national lors de la bataille pour l'Assemblée nationale. Et ce, en gérant les dossiers majeurs de ce début de quinquennat comme le pouvoir d'achat, l'inflation, la réforme des retraites et la planification écologique.

>> L'éclairage du 12h30 sur les défis qui attendent la nouvelle Première ministre :

Elisabeth Borne. [Keystone - AP Photo/Christophe Ena]Keystone - AP Photo/Christophe Ena
Les défis de la nouvelle Première ministre française Elisabeth Borne / Le 12h30 / 1 min. / le 17 mai 2022

Frédéric Boillat avec afp

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