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Un acte intentionnel pourrait être à l'origine du crash du 737 de China Eastern

L'avion impliqué dans le crash, photographié en 2015. [CC BY-SA 2.0 - Shadman Samee]
Le crash du Boeing dans le sud-ouest de la Chine en mars aurait été délibéré / Le 12h30 / 1 min. / le 18 mai 2022
Le crash du Boeing 737-800 de China Eastern ayant fait 132 morts le 21 mars dernier aurait été causé délibérément depuis le cockpit, selon le Wall Street Journal. Il s'appuie sur des fuites provenant des investigations préliminaires menées sur les boîtes noires aux Etats-Unis.

L'avion de la compagnie China Eastern reliait Kunming (sud-ouest) à Canton (sud) et s'était écrasé brusquement dans la région autonome chinoise du Guangxi, après une chute inexpliquée de plusieurs milliers de mètres en à peine quelques minutes, alors qu'il se trouvait à son altitude de croisière.

>> Plus de détails dans notre article : Un avion avec 132 personnes à bord s'écrase dans des montagnes en Chine

Une action soudaine d'origine humaine sur les commandes de l'appareil aurait provoqué sa plongée quasi verticale. "L'avion a fait ce que quelqu'un lui a dit de faire depuis le cockpit", a résumé au Wall Street Journal une source proche du dossier. Les autorités américaines tournent donc plutôt leur attention vers les actions d'un pilote, avec également la possibilité qu'une tierce personne soit entrée dans le cockpit, profitant par exemple d'une pause d'un pilote peu avant le début de la descente.

L'une des deux boîtes noires du 737-800 de China Eastern, le CVR ("Cockpit Voice Recorder") a été retrouvée, mais en mauvais état. [CC BY 3.0 - China News Service]
L'une des deux boîtes noires du 737-800 de China Eastern, le CVR ("Cockpit Voice Recorder") a été retrouvée, mais en mauvais état. [CC BY 3.0 - China News Service]

Cette information proviendrait des boîtes noires de l'appareil. Fortement endommagées, elles avaient été envoyées dans un laboratoire américain pour tenter de récupérer les données enregistrées (commandes de vol et voix dans le cockpit).

Comme prévu par les règles de l'aviation internationale, des représentants du Bureau américain chargé de la sécurité des transports (NTSB) sont aussi impliqués dans l'enquête et fournissent notamment une assistance technique, le 737-800 étant un avion américain. L'une de ses équipes s'est d'ailleurs rendue en Chine.

>> Lire aussi : La seconde boîte noire du Boeing de China Eastern a été retrouvée

Contrôle strict de l'information

C'est toutefois l'Administration chinoise de l'aviation civile (CAAC) qui est officiellement en charge de l'enquête. De façon générale, les autorités chinoises ont imposé un contrôle strict de l'information autour de la catastrophe.

Dans un communiqué publié fin avril, la CAAC avait indiqué avoir achevé son rapport préliminaire, mais sans apporter de détails sur les causes probables de l'accident. Elle s'était bornée à indiquer que les qualifications de l'équipage et du personnel d'entretien de l'appareil étaient "en règle", de même que le certificat de navigabilité de l'avion.

Des secouristes chinois respectent une minute de silence sur le site du crash le 27 mars dernier. [Reuters - cnsphoto]
Des secouristes chinois respectent une minute de silence sur le site du crash le 27 mars dernier. [Reuters - cnsphoto]

La compagnie China Eastern avait auparavant affirmé que le pilote, le copilote et un apprenti-pilote en observation, tous trois présents dans le cockpit, ne faisaient l'objet d'aucun soupçon. Le fait, plutôt inhabituel, que le copilote était beaucoup plus expérimenté que le pilote a toutefois suscité de nombreuses interrogations sur les réseaux sociaux, certains invoquant la possibilité d'un acte de frustration de la part du copilote, proche de l'âge de la retraite.

Contactée par l'AFP mardi, le NTSB américain a indiqué ne pas vouloir faire de commentaires sur une enquête dirigée par une autre autorité. Boeing en a fait de même, invoquant également les règles selon lesquelles seule l'autorité en charge d'une enquête en cours peut communiquer sur son avancement.

Experts rapidement perplexes

Dès les premiers jours ayant suivi la catastrophe, des experts aéronautiques se sont montrés perplexes sur les causes de l'accident, soulignant que le 737-800 (le prédécesseur du 737 Max 8), l'un des avions les plus courants au monde, est réputé pour sa fiabilité. Certains spécialistes interrogés par l'AFP ont spéculé sur un possible suicide ou acte délibéré de sabotage.

"Personne ne peut trouver un type de défaillance mécanique qui ferait que l'avion se comporte comme il l'a fait", c'est-à-dire piquer du nez de manière aussi extrême, avait par exemple déclaré John Goglia, un membre du NTSB américain, au média en ligne spécialisé dans l'aviation FlightGlobal.

Pas de "grounding"

La thèse d'un acte délibéré a aussi les faveurs de la cote sur plusieurs sites spécialisés dans l'aviation depuis plusieurs semaines. Certains passionnés ont pointé du doigt le fait que, hors action sur les commandes, seule une défaillance technique radicale (perte d'une aile, par exemple) pouvait entraîner une chute aussi rapide. Or, les données de position montrent que l'appareil est parvenu à se rétablir brièvement avant de plonger à nouveau, ce qui rend peu probable l'hypothèse d'une défaillance technique gravissime au début du plongeon.

Les autorités chinoises n'ont, d'ailleurs, pas imposé de grounding au type d'appareil concerné. Et Boeing, de son côté, n'a pas publié de nouvelles directives de vol après cet accident, contrairement à ce qui s'était passé après le premier des deux crashs du 737 MAX, celui du vol Lion Air.

>> Lire : Un avion s'écrase en mer en Indonésie avec 189 personnes à bord

Vincent Cherpillod avec l'ats

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Un acte qui reste rare

Le crash intentionnel d'un pilote reste un acte rare dans l'histoire récente de l'aviation civile, le dernier exemple marquant étant celui d'un vol de la compagnie allemande Germanwings le 24 mars 2015. Le copilote, sous anti-dépresseurs, avait profité de l'absence momentanée dans le cockpit du commandant de bord pour précipiter l'appareil contre le flanc d'une montagne des Alpes françaises, entraînant dans la mort 144 passagers et six membres d'équipage.

>> Plus d'infos dans notre article : Le rapport final confirme le scénario du crash volontaire pour Germanwings

L'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) avait par la suite préconisé un meilleur suivi médical des pilotes, notamment par le biais d'examens psychologiques et toxicologiques renforcés.

Un acte délibéré du pilote fait aussi partie des hypothèses qui pourraient expliquer la disparition non élucidée - exception rarissime de nos jours dans le milieu de l'aviation - du vol 370 de la Malaysia Airlines. Le rapport final sur l'accident précise toutefois qu'aucun élément ne permet de privilégier la thèse du suicide du pilote.

>> Plus de détails : Le rapport d'enquête sur la disparition du MH370 ne dissipe pas le mystère