Anthony Albanese n'était pas certain samedi en fin de soirée d'obtenir à la Chambre des représentants la majorité absolue qui lui permettrait de gouverner sans devoir se trouver des alliés. Mais, assuré du plus grand nombre de députés, il a proclamé sa victoire, affirmant que les Australiens avaient "voté pour le changement", et a indiqué qu'il prendrait ses fonctions dès lundi.
Il a dans la foulée annoncé sa participation au sommet du Quad (Etats-Unis, Inde, Japon, Australie) prévu mardi à Tokyo en compagnie de sa future ministre des Affaires étrangères, Penny Wong. "Ce soir, j'ai parlé au chef de l'opposition et au nouveau Premier ministre, Anthony Albanese, et je l'ai félicité pour sa victoire électorale", a pour sa part déclaré le conservateur Scott Morrison.
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Selon des projections de la chaîne ABC après dépouillement de plus de la moitié des suffrages, le Parti travailliste remportait 72 députés sur 151, quatre sièges de moins que la majorité absolue. Après trois années marquées par des catastrophes naturelles majeures et par la pandémie, les Australiens ont plébiscité un nombre inhabituel de "petits" candidats pro-environnement, qui pourraient détenir les clés du pouvoir en négociant leur soutien à Anthony Albanese si celui-ci n'atteignait pas la majorité absolue.
Les "teals" plebiscitées
Le Parti vert et les candidats indépendants surnommés "teals" (les "sarcelles"), pour la plupart des femmes prônant la défense de l'environnement, l'égalité des sexes et la lutte contre la corruption, étaient en passe de conquérir une série de circonscriptions urbaines traditionnellement dévolues aux conservateurs.
"Les gens ont dit que la crise climatique est un sujet sur lequel ils veulent agir", a exulté Adam Bandt, leader du Parti vert. La défaite de Scott Morrison met fin à neuf ans de règne des conservateurs sur l'immense pays-continent.
La campagne électorale s'est focalisée sur la personnalité de Morrison et Albanese, reléguant les idées politiques au second plan. Mais les jeunes Australiens sont de plus en plus excédés par les politiques pro-charbon du gouvernement, les difficultés pour trouver un logement abordable et la mauvaise utilisation de l'argent public.
Scott Morrison avait résisté aux appels à réduire plus rapidement les émissions de CO2 de l'Australie d'ici 2030, et soutenait sans réserves l'industrie du charbon, un des moteurs de l'économie du pays. A la traîne dans les sondages depuis un an, il s'était prévalu de la reprise économique et d'un taux de chômage actuellement au plus bas depuis 48 ans. Il avait dépeint son rival travailliste comme un "électron libre" inapte à diriger l'économie.
Un tournant climatique
Scott Morrison a souffert d'une faible popularité personnelle et d'accusations de malhonnêteté. Il a aussi causé une brouille diplomatique monumentale entre Canberra et Paris, en cassant au profit de Washington un méga-contrat de sous-marins français l'été dernier. "La défaite du Premier ministre me convient très bien", a réagi samedi l'ex-ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. "Les actes posés au moment où ils ont été posés étaient d'une brutalité et d'un cynisme, et je serais même tenté de dire d'une incompétence notoires", a-t-il asséné.
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Anthony Albanese, issu des classes populaires et élevé par une mère célibataire dans un logement social de Sydney, sera le premier chef de gouvernement australien à ne pas porter un nom de famille anglo-saxon ou celtique. Le nouveau Premier ministre s'est engagé à mettre fin au retard pris par l'Australie en matière de lutte contre le changement climatique, à aider les personnes confrontées à la flambée des prix et à renforcer la participation des populations indigènes à l'élaboration de la politique nationale.
Il a promis de faire de son pays une "super-puissance" en matière d'énergies renouvelables. Mais Anthony Albanese pourrait maintenant, pour gouverner, devoir conclure des accords avec des candidats exigeant des mesures plus fermes en matière de climat, risquant ainsi de s'attirer l'ire des factions de son parti favorables au charbon et aux syndicats miniers.
ats/iar