L'Inde est le deuxième plus gros producteur de blé au monde, derrière la Chine, mais devant la Russie. La majeure partie de sa production (plus de 90%) est toutefois consommée dans le pays.
Cette année, en raison des températures extrêmes auxquelles l'Inde fait face depuis plus d'un mois, la céréale se fait plus rare que prévu. "Notre rendement a été divisé par deux, étant donné que la partie supérieur de l'épi a séché et est tombée", a témoigné un producteur de blé dans le 12h45 dimanche.
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Quatre millions de tonnes de moins que prévu
Après avoir été frappés par la vague de chaleur, les producteurs du Pendjab n'ont pu produire les montants attendus et la moisson nationale a été inférieure de quatre millions de tonnes aux prévisions.
La décision de New Delhi d'interdire les exportations de blé en pleine flambée des prix due à l'invasion russe de l'Ukraine a provoqué la consternation à l'étranger et a fait monter encore plus les cours de cette céréale.
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Avant la guerre en Ukraine et la canicule, il était prévu que la production de blé de l'Inde (109 millions de tonnes en 2021) et ses exportations (7 millions de tonnes) augmentent toutes deux cette année. Le mois dernier, le Premier ministre Narendra Modi avait même proposé de contribuer à combler le déficit mondial en blé, se disant prêt à "nourrir le monde" pour remplacer le blé que l'Ukraine ne pourra pas exporter cette année.
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Agriculteurs et négociants mécontents
En Inde, certains agriculteurs et négociants sont maintenant furieux d'avoir été privés de cette aubaine, d'autant plus que les prix sur leur marché intérieur ont au contraire baissé. De 23 roupies (environ 29 centimes) par kilo de blé avant l'interdiction d'exporter, les prix sont descendus à 20,15 roupies (25 centimes), soit l'équivalent du prix minimum fixé par le gouvernement pour l'achat de céréales destinées à son vaste système de distribution publique.
Or, les centaines de millions de petits exploitants agricoles indiens vivent dans une précarité extrême, soumis aux caprices de la météo. Au Pendjab, beaucoup subissaient déjà des pertes de production dues à la canicule extrême et en passe de devenir la norme.
"Cette interdiction [d'exportation] a été un choc", a confié à l'AFP un agriculteur qui moissonne environ 60 tonnes de blé par année. "Le prix est tombé au plus bas et ne couvre même pas nos dépenses". Les autorités n'ont consulté personne et agi de manière égoïste, s'indigne-t-il. "Nous étions déjà frappés par des pertes de production cette année et l'interdiction nous a rendu la vie difficile".
La population en profite peu
La population indienne la plus pauvre, pourtant, ne profite pas vraiment de cette baisse du prix. En raison de la fin des dispositifs d'aide mis en place pendant la pandémie, les autorités ont en effet, en même temps, réduit les quantités achetées pour le vaste système de distribution public qui fournit des céréales à des prix très réduits à quelque 800 millions de personnes.
Résultat: si, pour les négociants indiens, le prix du blé a dégringolé, pour le petit consommateur final, le prix au détail de la farine de blé est au plus haut depuis 12 ans.
afp/vic/wl
Une interdiction salutaire aux yeux du gouvernement
Pour Manish Panji, responsable du programme gouvernemental d'approvisionnement en céréales du Pendjab à Khanna (ville qui abrite le plus grand marché aux céréales d'Asie), l'interdiction des exportations a été salutaire. Sans cette mesure, soutient-il, le prix du quintal de blé aurait pu flamber jusqu'à 3000 roupies (37,50 francs pour 100 kg).
De nombreux hommes d'affaires de Khanna estiment eux que cette mesure n'aura qu'un effet temporaire et que les règles de l'offre et de la demande reprendront inévitablement le dessus.