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Un journaliste menacé au Guatemala après un reportage de la RTS

Scandale suisse au Guatemala
Scandale suisse au Guatemala / Mise au point / 15 min. / le 5 juin 2022
En mars 2022, la RTS et le groupe de journalistes d'investigation Forbidden Stories ont révélé les pratiques contestables de l'entreprise suisse Solway au Guatemala. Un des journalistes locaux à avoir collaboré à l'enquête est sur le coup d'une nouvelle procédure de justice. Il est accusé à tort de participation à des manifestations violentes contre l'entreprise suisse.

Solway est une entreprise dans la tempête. Cette multinationale suisse est fragilisée par la crise ukrainienne et les sanctions internationales.  A l'origine très liée à la Russie, elle a abandonné en mars son dernier site de production en Russie. Elle est également sur la défensive à cause des révélations du projet "Mining Secrets" de Forbidden Stories, un groupe de journalistes d'investigation dont fait partie la RTS. Ce groupe de journalistes poursuit les enquêtes de collègues en danger ou tués dans l'exercice de leur métier.

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L'entreprise russo-suisse possède une mine à ciel ouvert au Guatemala. Sur place, la population locale accuse les filiales de Solway de polluer les eaux du lac Izabal. Les pêcheurs témoignent de plusieurs fuites de liquide rougeâtre de la mine. En 2017 et 2018, une partie du lac est même devenue rouge.

Depuis les révélations de la RTS et de Forbidden Stories, l'entreprise suisse s'est engagée à mener une enquête interne au Guatemala. Dans un communiqué de presse, Solway explique: "Notre enquête va se focaliser sur les événements décrits (par les médias) dans notre filiale interne au Guatemala afin d'analyser nos processus et notre gouvernance ainsi que notre relation avec les communautés locales".

Manifestations régulières dans la région

De nombreux habitants de la région manifestent régulièrement contre la mine à cause de la pollution des eaux et du non-respect des droits des populations autochtones. Plusieurs manifestations se sont soldées par des blessés et aussi par le décès d'un manifestant tué par la police. En octobre 2021, la route d'accès à la mine a été bloquée de nombreux jours. L'armée et la police ont été envoyées en renfort. L'état de siège a même dû être instauré.

Après ces manifestations, le domicile de Carlos Choc, un journaliste local qui a collaboré avec la RTS et Forbidden Stories, a été perquisitionné par la police. Après la diffusion en mars de cette enquête collaborative, il est sous le coup d'une nouvelle plainte de la justice du pays. Il est accusé d'avoir participé à des manifestations violentes, alors qu'il ne faisait que son travail sur place. Carlos Choc, père de famille, a dû quitter les siens et vit actuellement dans la capitale.

Pollution réfutée par Solway

De son côté, l'entreprise Solway nie tout responsabilité dans ces violences et réfute la pollution des eaux du lac. Pour regagner la confiance des peuples indigènes, la mine a lancé des projets communautaires. Elle a notamment aidé à la réfection des écoles et du centre médical. Pour convaincre les opposants récalcitrants, la mine a mis en place toute une stratégie, notamment par l'utilisation de pots-de-vin et de jeux d'influences. La multinationale conteste ces informations.

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Dan Bronstein, le président du conseil d'administration, affirme: "Solway Investment Group opère en totale conformité avec les législations nationales et internationales. Nous sommes contrôlés à la fois par les autorités locales, par des audits internationaux et des organismes de certification, ainsi que par le SECO (Secrétariat d'Etat à l'économie suisse). L'ambassade de Suisse suit nos efforts pour consulter les communautés locales conformément aux normes internationales. (…) Nous réfutons toutes allégations soulevées sans fondement factuel."

Ces arguments ne semblent pas satisfaire la population locale. L'état de siège a certes été levé, mais la contestation ne va pas fléchir. La population locale reste fortement mobilisée contre la multinationale suisse.

>> Voir aussi les explications de Sandrine Rigaud, rédactrice en chef de Forbidden stories, dans Mise au Point :

Sandrine Rigaud: rédactrice en chef de "Forbidden stories"
Sandrine Rigaud: rédactrice en chef de "Forbidden stories" / Mise au point / 4 min. / le 5 juin 2022

François Ruchti en partenariat avec Forbidden Stories

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