Les festivités du Jubilé de platine de la Reine Elizabeth II vont démarrer le 2 juin. Avec ses 70 ans de règne, elle a battu depuis 2015 le record de son arrière-arrière-grand-mère Victoria. Depuis 2016, elle est aussi le souverain régnant le plus longtemps et le plus âgé en fonction.
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Dans son livre "Les Borgia à Buckingham", le journaliste spécialiste de la monarchie britannique Marc Roche retrace les grands événements récents. Dans un portrait au vitriol, il raconte ce qu'il se passe derrière le rideau, à quel prix la monarchie et la reine sont si populaires. Figés dans des airs marmoréens en public, les Windsor se livrent à une guerre intestine sans pitié, avec un triumvirat (Elizabeth, Charles et William) qui arrache les "branches pourries" de la famille.
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"Comme les Borgia, famille sanguinaire de la Renaissance italienne, la saga des Windsor a les mêmes ingrédients. Il y a bien l'adultère, les scandales avec le prince Andrew et l'accusation de viols sur mineurs, les haines fratricides entre William et Harry... La seule différence, c'est que chez les Windsor, il n'y a ni sang, ni poison, mais cela ressemble beaucoup", a résumé mercredi dans La Matinale de la RTS Marc Roche, qui est aussi correspondant à Londres pour Le Point.
Montée sur le trône sans y être préparée
Selon lui, c'est grâce à la détermination d'Elizabeth, de Charles et de William que la Couronne d'Angleterre est aujourd'hui aussi solide. "La reine est plus populaire que jamais, avec un taux d'approbation qui dépasse 75%, le prince Charles est à un peu plus de 50% et le prince William à 65%. C'est dû à cette opération de recentrage sur le noyau dur de la monarchie, avec élimination de manière très machiavélique par la reine de tous les rebelles qui étaient sur son chemin, sortis des clous", avance Marc Roche. Il cite notamment Andrew, son fils préféré mais malgré tout "sacrifié à la raison d'Etat", bien qu'elle soit elle-même "persuadée de son innocence".
A cause de ce parcours extraordinaire, puisqu'elle ne devait pas être reine, Elizabeth II va être inflexible et va tout sacrifier à la raison d'Etat, à la charge, au devoir
La raison de la dureté d'Elizabeth II pourrait être liée à sa génération, "pas très dorlotée" avant la Seconde Guerre mondiale. Sa montée inopinée sur le trône en 1952 suite à la mort brutale de son père d'un cancer y a aussi participé, alors qu'elle n'y était pas préparée et avait eu une éducation "très sommaire". "A cause de ce parcours extraordinaire, puisqu'elle ne devait pas être reine, Elizabeth II va être inflexible et va tout sacrifier à la raison d'Etat, à la charge, au devoir".
Une reine "au-dessus de la mêlée"
Sa longévité prouve qu'elle a su s'adapter aux multiples changements qui ont transformé le Royaume-Uni. "C'est une femme conservatrice et fière de l'être, traditionnelle, très passive [...]. Vous ne parvenez jamais à percer le mystère d'Elizabeth II, et c'est là son génie. Elle a réussi, en cette ère de transparence, de médias sociaux où tout le monde parle tout le temps, à maintenir la magie en ne disant rien", analyse Marc Roche. "Si vous me demandez si elle était pro- ou anti-Brexit, je n'en sais rien, parce que personne ne le sait!"
Elle a réussi, en cette ère de transparence, de médias sociaux où tout le monde parle tout le temps, à maintenir la magie en ne disant rien
A l'heure où l'Ecosse rêve d'indépendance et l'Irlande du Nord de réunification, elle reste le symbole de l'unité nationale, "le dernier", alors que Boris Johnson est un facteur de division. "La reine, elle, est au-dessus de la mêlée", souligne le journaliste.
Malgré l'évolution des méthodes de communication, elle ne semble jamais dépassée par l'évolution technologique, mais s'y adapte. "Elle est un peu comme un entraîneur de football qui fait monter et descendre les joueurs en fonction de leur performance sur le terrain", illustre Marc Roche.
Elle est un peu comme un entraîneur de football qui fait monter et descendre les joueurs en fonction de leur performance sur le terrain
Diana, "sa grande faute"
Elle s'est pourtant déjà trompée, comme en 1997, à la mort de Diana. "C'est sa grande faute. Elle n'a pas senti le pays et le chagrin causé par sa mort. Elle la voyait comme une cinglée, qui avait fait tomber la monarchie de son piédestal en avançant notamment que Charles n'était pas digne de régner". En décalage avec le pays, Elizabeth II va toutefois parvenir très vite à reprendre le dessus.
"Avec le temps, les Britanniques sont tellement habitués à elle! Il devient de plus en plus rare de rencontrer des sujets qui ont connu un autre monarque", remarque Marc Roche. C'est tout le paradoxe d'Elizabeth II: "elle est omniprésente, mais paradoxalement, on la voit peu, puisqu'elle ne parle jamais et se montre de moins en moins physiquement".
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Propos recueillis par Frédéric Mamaïs
Adaptation web: Vincent Cherpillod