La fusillade s'est produite dans l'après-midi à l'école primaire Robb, qui accueille plus de 500 enfants à Uvalde, au sud-ouest du Texas. Les motifs du tueur âgé de 18 ans ne sont pas encore connus. Il a été abattu par la police.
>> Plus de détails sur les faits : Au moins 21 personnes tuées dont 19 élèves lors d'une fusillade dans une école au Texas
Il s'agit de la pire fusillade de masse dans une école depuis la tuerie de Sandy Hook (Connecticut) en décembre 2012. Mais ce type d'assauts meurtriers dans des établissements scolaires se répète fréquemment aux États-Unis avec à chaque fois des images choquantes d'élèves traumatisés. En 2018, c'est un jeune homme de 19 ans qui avait fait un massacre au fusil semi-automatique dans un lycée du sud-est de la Floride, semant la panique parmi les élèves et tuant 17 personnes.
"Les tueries de masse sont devenues des copiés-collés de tragédies aux États-Unis", écrivait mardi soir le média américain Politico. Les réactions politiques et médiatiques se sont multipliées dans les heures qui ont suivi le drame pour souligner l'éternelle répétition de ces fusillades et du bal de réactions qui s'ensuivent. Dans le camp démocrate, on appelle à de véritables changements. En face, des commentateurs et politiciens conservateurs estiment que ces fusillades "ne doivent pas être politisées".
Joe Biden "écoeuré et fatigué"
Mardi soir, le président américain Joe Biden, visiblement marqué, a appelé de son côté à "affronter le lobby des armes" pour prendre des mesures de régulation. "Quand, pour l'amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes?", a lancé le dirigeant, informé du drame dans l'avion qui le ramenait d'une tournée diplomatique en Asie.
"Je suis écoeuré et fatigué", a soufflé le démocrate de 79 ans depuis la Maison Blanche. "J'ai passé ma carrière de sénateur et de vice-président à travailler pour faire passer des lois de bon sens sur les armes à feu. Ne me dites pas que nous ne pouvons pas avoir d'impact sur ce carnage", a ajouté Joe Biden.
Les traits tirés, il a appelé à "transformer la douleur en action" pour réguler davantage les armes dans le pays, et en particulier les armes d'assaut. "L'idée qu'un jeune de 18 ans puisse entrer dans un magasin d'armes et acheter deux fusils d'assaut est simplement inacceptable. Pourquoi avoir besoin d'une arme d'assaut, sinon pour tuer quelqu'un? Les cerfs ne courent pas les forêts avec des gilets pare-balles!", a assené le président, dénonçant l'activisme des fabricants d'armes qui "ont passé deux décennies à promouvoir avec agressivité les armes d'assaut qui leur procurent les plus importants profits".
Il y a moins de deux semaines, un jeune homme de 18 ans lourdement armé avait déjà ouvert le feu - pour des motifs racistes - dans un supermarché de Buffalo (New York), faisant au moins dix morts.
>> Lire à ce sujet : Dix morts lors d'une fusillade à Buffalo, crime raciste soupçonné
"Un désespoir épouvantable"
"Trop, c'est trop", s'est emportée de son côté la vice-présidente Kamala Harris. "Nous devons trouver le courage d'agir", a-t-elle lancé à l'adresse du Congrès, impuissant à légiférer malgré les tragédies.
Toutefois, les chances que cette énième tragédie ne fasse bouger les lignes dans le pays restent faibles, estime l'historienne Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis. "Les discussions et les arguments sont les mêmes qu'après Sandy Hook. Et malheureusement, chacun sait que cette fois-ci encore, rien ne va bouger. Il y a un désespoir épouvantable dans ce pays", déplore-t-elle.
D'après elle, la régulation des armes est demandée et soutenue par une large majorité de la population américaine. "Selon le degré de contrôle que l'on propose, on arrive à 60-70% qui veulent au moins un peu de régulation", explique-t-elle. Mais cette partie de la population "se heurte aux blocages politiques, au conservatisme en matière d'interprétation de la Constitution et aux traditions, qui sont devenues des traditions meurtrières".
Impuissante démocratie
Le système politique fédéral est notamment mis en cause par l'historienne. "Vous avez une majorité de citoyens à l'échelle du pays. Mais lorsque l'on détaille par circonscriptions, ce n'est pas le cas." Dans un certain nombre d'entre elles, il n'est pas possible de se faire élire en proposant un discours anti-armes, explique-t-elle. "Les élus sont morts de peur devant le risque de perdre une élection dans leur circonscription ou dans leur Etat."
Ainsi, ce découpage électoral crée un état de fait dans lequel "une large majorité des Américains veulent un peu de bon sens mais n'arrivent pas à se faire entendre des institutions et des élus. C'est comme si la démocratie américaine se révélait de plus en plus incapable de résoudre ces problèmes."
Selon Nicole Bacharan, même si de petites étapes sont parfois obtenues localement, pour aboutir à une réelle évolution à l'échelle du pays, "il faudrait une majorité courageuse au Congrès. Ou une Cour Suprême qui accepte d'interpréter le fameux deuxième amendement de manière plus raisonnable".
>> Lire aussi sur ce sujet : Le maire de New York promet de débarrasser la ville des armes à feu
D'autant que la popularité de Joe Biden est globalement assez basse, souligne aussi le politologue américano-suisse Daniel Warner. Selon ce dernier, il existe aussi un blocage idéologique fondamental vis-à-vis d'une partie de la population américaine dans le rapport à la liberté: "Beaucoup d'Américains, surtout dans les régions rurales, pensent qu'ils sont libres de faire ce qu'ils veulent. Il sera très difficile de leur faire accepter des régulations du gouvernement!"
jop avec ats
Réactions de soutien à travers le monde
"Il n'y a pas de place dans le monde pour des actes de violence aussi horribles", a tweeté le chef de la diplomatie suisse Ignazio Cassis. Le conseiller fédéral s'est dit "profondément attristé par la perte insensée de jeunes vies".
En France, le président Emmanuel Macron a exprimé sa solidarité sur Twitter. La France partage le "choc et la peine du peuple américain" ainsi que la "colère" de ceux qui s'opposent à la prolifération des armes à feu. D'autres réactions sont aussi venues d'Espagne, d'Allemagne, de Slovaquie, d'Irlande ou encore de Finlande.
À Rome, le pape François a également dit mercredi avoir le "coeur brisé" par ce drame. Il est temps de "dire stop" au trafic incontrôlé des armes, a-t-il aussi déclaré.
Les principales fusillades scolaires aux USA dans les dernières années
Oxford, Michigan, 30 novembre 2021
Un adolescent de 15 ans tue de sang-froid quatre élèves et blesse six autres ainsi qu'un enseignant dans l'enceinte du lycée d'Oxford, petite ville au nord de Detroit. L'auteur de la fusillade est inculpé d'"acte terroriste" et d'"assassinats" et, chose rare, ses parents sont également poursuivis.
Santa Clarita, Californie, 14 novembre 2019
Un adolescent de 16 ans marque le jour de son anniversaire en tirant sur des élèves de son lycée, tuant deux camarades et en blessant trois autres avant de tenter de se suicider. Les victimes ont 14-15 ans.
Santa Fe, Texas, 18 mai 2018
Un élève de 17 ans fauche sous ses balles 20 personnes dans son lycée: deux adultes et huit jeunes succombent. Le tireur est depuis emprisonné.
Parkland, Floride, 14 février 2018
Le jour de la Saint-Valentin, un jeune homme de 19 ans décharge son fusil semi-automatique au lycée Marjory Stoneman Douglas, dont il avait été exclu pour raisons disciplinaires. On déplore 17 morts dont une majorité d'adolescents. Le tireur est arrêté.
Benton, Kentucky, 23 janvier 2018
Un élève de 15 ans abat à l'arme de poing deux autres élèves du même âge au lycée de Marshall County. Dix-huit autres personnes sont blessées par balle ou dans le chaos créé par les tirs.
Roseburg, Oregon, 1er octobre 2015
Un étudiant de 26 ans abat neuf personnes à l'université d'Umpqua. Blessé, il se tire une balle dans la tête.
Oakland, Californie, 2 avril 2012
Un homme abat méthodiquement sept personnes dans la petite université Oikos en Californie. Le tireur, un ancien étudiant d'origine coréenne, est arrêté et meurt sept ans plus tard en prison.
Newtown, Connecticut, 14 décembre 2012
Après avoir abattu sa mère, un déséquilibré de 20 ans tue 26 personnes, dont vingt enfants âgés de 6 et 7 ans, à l'école primaire Sandy Hook. Il se suicide après. Les Etats-Unis restent hantés par ce massacre en raison des nombreux enfants tués.
Université Virginia Tech, Virginie, 16 avril 2007
Un étudiant déséquilibré originaire de Corée du Sud fait 32 morts avec ses deux pistolets semi-automatiques, avant de se suicider dans cet établissement d'enseignement supérieur réputé.
Columbine, Colorado, 20 avril 1999
Deux élèves du lycée Columbine, âgés de 17 et 18 ans et lourdement armés, abattent en quelques minutes douze camarades et un professeur avant de se suicider dans la bibliothèque. Le bilan aurait été pire encore s'ils avaient réussi à faire détoner leurs bombes artisanales.
afp