Chaque mois, des techniciens du laboratoire de virologie Cremer partent en expédition dans les forets tropicales du Cameroun pour capturer et analyser des animaux, avec un unique objectif: traquer les virus et anticiper les risques de zoonoses, ces transmissions de maladies de l'animal à l'humain.
C'est un travail de pistage minutieux. Au coeur de la brousse, les techniciens capturent des animaux et collectent des échantillons de poils, de salive ou de sang. Les coordonnées GPS du site de capture sont aussi enregistrées. Ainsi, si un virus est détecté, ces données permettront de suivre la piste de l'échantillon et de remonter à l'origine de la contamination, explique le technicien du Cremer Joseph Moudindo. Des informations précieuses que les scientifiques pourront ensuite utiliser pour développer de potentiels vaccins ou traitements.
Répertorier les virus
Depuis une quinzaine d'années, l'exploitation forestière a augmenté considérablement la présence humaine dans la région. La forêt primaire n'est plus le sanctuaire exclusif de la faune sauvage. Dans pareille situation, l'équilibre de l'écosystème devient très fragile. "Et des maladies qui devraient normalement rester cloisonnées aux animaux sont maintenant très facilement transmises aux populations humaines", souligne le chef d'équipe du laboratoire, Innocent Ndong Bass.
Depuis le début des recherches en 2016, 7000 chauves-souris ont été échantillonnées, et près de 200 coronavirus différents ont été détectés. Les échantillons prélevés sur le terrain sont ensuite analysés au laboratoire de Yaoundé. "L'objectif, c'est d'extraire l'ADN et des agents pathogènes contenus à l'intérieur, y compris les virus", expose la doctorante en virologie Dowbiss Meta Djomsi. Ces informations viendront compléter une base de données internationale d'agents potentiellement pathogènes.
Zoonoses en hausse
"Sans vouloir être alarmiste, plus de 70% des maladies infectieuses qui touchent ou qui ont touché l'humain sont d'origine zoonotique", note Ahidjo Ayouba, directeur de recherches à l'Institut français de Recherche et Développement (IRD). Et l'impression générale dans la communauté scientifique, c'est que leur émergence a tendance à augmenter.
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C'est là tout l'intérêt de l'étude de nouveaux agents infectieux, une mission essentielle pour anticiper de nouvelles pandémies. Selon les estimations, la faune mondiale est aujourd'hui le réservoir d'environ 1,7 million de virus encore inconnus, dont la moitié seraient potentiellement dangereux pour les humains.
Pierre Morel/jop