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Lawrence Freedman: "Les Ukrainiens devraient bientôt passer à l'offensive"

Lawrence Freedman, spécialiste de la stratégie militaire. [Creative commons/U.S. Navy - Rosalie Bolender]
Le WEF, la guerre, la paix: interview de Lawrence Freedman / Tout un monde / 7 min. / le 27 mai 2022
Selon Lawrence Freedman, spécialiste britannique de la stratégie militaire, la guerre en Ukraine va entrer dans une phase de transition. "Les Russes ne vont probablement plus gagner beaucoup de territoires", prévoit-il.

Professeur émérite en études sur la guerre au King's College de Londres, Sir Lawrence Freedman était présent au Forum économique mondial (WEF) à Davos. Une réunion durant laquelle l'ombre de l'invasion russe en Ukraine n'a jamais quitté la station grisonne.

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"Dans cette nouvelle phase transitoire, les Russes vont s’acharner à défendre leurs acquis. Ce qui laisse la place aux Ukrainiens pour passer à l'offensive. Je crois qu’ils ont compris qu’ils avaient le temps de se préparer. J’espère qu’ils ne vont pas se précipiter. Il y a évidemment énormément de pression pour avancer. C’est dur à prédire avec certitude, mais, dans l’équilibre, on est en train de passer d'une offensive russe, lentement mais pas encore vraiment, à une offensive ukrainienne", analyse le spécialiste britannique vendredi dans Tout un monde.

"Les Ukrainiens se battent pour leur pays"

Dans tous les cas, le schéma actuel de la guerre ne peut pas durer éternellement, rappelle Sir Lawrence Freedman. "Est-ce que les deux camps peuvent poursuivre une guerre d’une telle intensité? Qui consomme autant de matériel militaire, de munitions et où l’on perd autant de gens? La réponse, c’est non. Ils ne peuvent pas. D’une façon ou l’autre, cela va se calmer, se maîtriser et passer à quelque chose de plus discret."

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Selon lui, la Russie va avoir du mal à maintenir son opération militaire sur le long terme. Les manoeuvres derrière les lignes de front posent notamment problème à Moscou.

"Les Russes ne peuvent pas envoyer tous leurs soldats au front, puisqu'ils doivent aussi regarder derrière eux. Mais ils commencent à manquer d'hommes. De plus, il y a une asymétrie de motivation qui fait la différence. Les Ukrainiens se battent pour leur pays. A moyen terme, l’avantage est pour eux, mais il est toujours dangereux de sous-estimer le poids des morts. Vous pouvez gagner à la fin, mais à quel prix?"

Manoeuvre délicate pour Vladimir Poutine

Malgré tout, la Russie est encore bel et bien là sur le terrain, bloque les exportations de céréales et continue de mettre la pression, à coups de menaces nucléaires et diplomatiques. Vladimir Poutine ne peut pas, aux yeux de son peuple, sortir de cette guerre sur un échec.

"Le défi pour Vladimir Poutine est d’arriver à créer un récit sur la base des succès russes. Même si cela signifie s’en aller, avec seulement les deux enclaves séparatistes et la Crimée. Je ne vois pas les Ukrainiens s’arrêter là, je doute que Volodymyr Zelensky accepte le statu quo. Donc Vladimir Poutine va devoir prendre une décision sur la manière dont il se retirera. C’est une manoeuvre délicate. L'un des grands avantages d'un autocrate c’est qu’il peut créer un récit pour un retrait, autant que pour une offensive", relève Sir Lawrence Freedman.

Propos recueillis par Cédric Guigon

Adaptation web: Guillaume Martinez

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