Vingt ans après le régime du délai, l'IVG n'est toujours pas considérée comme un enjeu de santé
La Suisse fête cette année les 20 ans du régime du délai, accepté par une grande majorité, à 72,2%, lors de la votation du 2 juin 2002 et entré en vigueur le 1er octobre de la même année. Cette loi permet aux personnes enceintes de décider d'avorter librement durant les 12 premières semaines de grossesse. Au-delà, l'IVG reste un délit pénal.
Santé sexuelle Suisse (SSCH) souhaite célébrer publiquement cet anniversaire, mais en profite également pour lancer une charte réclamant la suppression de l'avortement du Code pénal. Lors de l'action symbolique à Berne, des cartons rouges ont été brandis sur la Waisenhausplatz contre les articles relatifs à cet acte.
Enjeu de santé
Présidente de SSCH, la conseillère nationale Léonore Porchet (Verts/VD) déposera également une initiative parlementaire pour demander que "l'avortement soit avant tout considéré comme une question de santé et non plus comme une affaire pénale". Le lancement de la charte vise notamment à reconnaître cette idée.
"Le régime du délai a clairement fait ses preuves depuis son introduction", estime le communiqué. Il garantit aux personnes enceintes, durant les 12 premières semaines, d’exercer leur droit à l’autodétermination. Mais malgré tout, "des obstacles et discriminations subsistent, que ce soit au niveau financier ou concernant l’accès aux prestations et à des informations suffisantes et claires", poursuit le texte.
Discriminations et pressions
En outre, le fait que l'interruption de grossesse reste inscrite au Code pénal contribue à faire perdurer la stigmatisation et la condamnation morale, note l'organisation. Ainsi, "les structures hospitalières répondent encore trop peu aux besoins, avec une approche souvent paternaliste et stigmatisante".
C'est aussi une question de principe, explique Léonore Porchet jeudi soir dans Forum. Dans le système actuel en Suisse, "on dit que l'avortement est par principe interdit et puni, et dans certains cas, il n'est pas puni. Je pense qu'en 2022, il faut qu'on sorte de cette logique-là, qui a des conséquences concrètes et parfois dramatiques dans la pratique."
"Actuellement, la menace pénale est utilisée par les personnes récalcitrantes ou l'entourage. Nous, on veut que ça soit toujours une décision prise entre la personne concernée et son praticien de santé, qui devrait la traiter avec bienveillance et sans jugement", détaille-t-elle.
Garder une protection
Pour le conseiller national Sydney Kamerzin (Le Centre/VS), la base juridique dans laquelle le droit à l'IVG est réglementé n'a que peu d'importance. "S'il y a un délai, on est obligé de mettre des conséquences pour les personnes qui ne le respectent pas", argue-t-il. "Finalement, la question-clé, c'est de savoir si on veut maintenir un curseur, et où on veut le mettre. Douze semaines, c'est ce qui est en vigueur dans la plupart des pays qui nous entourent."
"La proposition qui est faite là, c'est de le supprimer complètement", poursuit l'élu valaisan. "Et moi ce qui m'inquiète, c'est qu'on se retrouve avec des avortements à sept ou huit mois. Et là, on n'a plus de protection."
Léonore Porchet et Sydney Kamerzin rappellent toutefois que les avortements dits "de complaisance" sont très peu pratiqués en Suisse. Et avec un peu plus de 10'000 IVG pratiquées par an, le taux en Suisse est lui aussi plutôt bas en comparaison internationale.
jop avec ats
Deux initiatives UDC pour limiter le droit à l'avortement
De l’autre côté de l’hémicycle, la question de l'avortement préoccupe aussi les rangs de l'UDC. Deux initiatives populaires sont en phase de récolte de signatures pour en restreindre l’accès.
La première, lancée par Andrea Geissbühler (UDC/BE), veut introduire un délai de réflexion d'un jour avant toute IVG. La seconde, celle d'Yvette Estermann (UDC/LU), s'oppose aux avortements tardifs.
>> Lire à ce sujet : Deux initiatives limitant l'avortement lancées par des conseillères nationales UDC