Au Brésil, les violences policières récurrentes soulèvent de plus en plus d'indignation
Le 24 mai dernier à Rio, 23 personnes sont mortes lors d'une opération policière visant à reprendre des armes à des trafiquants de drogue. L'opération a provoqué des scènes de guerre pendant plusieurs heures dans le quartier de Vila Cruzeiro, favela où vivent plus de 100'000 habitants. Selon la police, les victimes étaient toutes des trafiquants; selon certaines familles, plusieurs victimes étaient innocentes.
"Mon frère a été poignardé dans la poitrine. Il est mort par un couteau, pas par balles. Il n'avait que 16 ans. Il prenait des cours du soir. Il n'a jamais été impliqué dans le trafic de drogues", témoigne un proche d'une victime, rencontré devant l'hôpital. Le meurtre au couteau est une spécialité du Bope, un corps d'élite de la police militaire extrêmement violent.
Exécutions sommaires
Un autre jeune a été mortellement touché dans la fusillade alors qu'il transportait une proche d'une victime en moto-taxi. Les jours suivants, les enterrements se suivaient dans une ambiance de tristesse et de révolte face aux agissements de la police de Rio, accusée d'abus et d'exécutions sommaires.
"Il existe déjà des preuves d'exécutions dans certaines zones", souligne notamment Rodrigo Mondego, représentant de l'organisation des avocats du Brésil, qui s'est rendu sur place immédiatement pour relever des indices et des témoignages. "Il y a des indications qu'au moins une des personnes a été torturée avant d'être tuée hier."
Méthodes de torture enseignées
Le lendemain, au nord-est du pays, trois policiers asphyxiaient mortellement un homme avec du gaz lacrymogène dans le coffre de leur voiture, à la suite d'un contrôle. Les images de la bavure, d'une violence extrême, ont fait le tour du monde. Et lors de chacun de ces événements, le président Jaïr Bolsonaro a soutenu les forces de l'ordre.
Mais dans la foulée, l'indignation est montée d'un cran lorsque l'on a découvert que ces méthodes s'apparentant à de la torture étaient enseignées dans les écoles de police, dans des cours en vidéos ponctués de plaisanteries.
"Il n'y aura pas de meilleure police, tant que l'on enseignera à la police comment torturer et tuer", souligne le professeur de Saó Paulo Leonardo Sakamoto. Pour lui, il est désormais urgent que la justice enquête et contrôle la police. Dans cette affaire, les trois policiers ont été mis à pied et la justice va enquêter. Un premier pas qui paraît toutefois bien insuffisant face à l'ampleur de la tâche qui doit mener à réformer la police brésilienne.
Anne Vigna/jop