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Olivier Niggli: "Les injections de Nadal sont un débat sur l'éthique médicale, pas sur le dopage"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Olivier Niggli, directeur général de l’agence mondiale anti-dopage
L'invité de La Matinale (vidéo) - Olivier Niggli, directeur général de l’agence mondiale anti-dopage / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 10 min. / le 9 juin 2022
Depuis le 14e titre de Rafael Nadal à Roland-Garros, obtenu avec l'appui d'injections pour soulager son pied gauche meurtri, le monde du cyclisme est en émoi. Invité jeudi dans La Matinale de la RTS, le directeur général de l'Agence mondiale antidopage Olivier Niggli explique que "Rafa" ne s'est pas dopé.

Tout est parti de quatre mots et de deux emojis. En réaction au tweet du journaliste d'Eurosport Laurent Vergne, et des déclarations de Rafael Nadal à Eurosport - "C'est mieux que tu ne saches pas" avait répondu l'Espagnol sur le nombre d'injections reçues durant Roland-Garros - Thibaut Pinot est sorti du peloton pour s'offusquer publiquement. "Les héros d'aujourd'hui", suivi de points de suspension teintés d'ironie, a-t-il écrit.

Selon le directeur de l'Agence mondiale antidopage (AMA), la frontière est "claire". Olivier Niggli rappelle que la lutte antidopage est encadrée par une liste de produits interdits. "Si un produit s'y trouve, c'est qu'il a un effet sur la performance, qu'il est mauvais pour la santé et qu'il est contraire à l'éthique du sport", souligne-t-il, jeudi dans La Matinale de la RTS.

"Pas un produit interdit"

Les injections d'anesthésiant ne sont pas interdites, indique-t-il. "Ce n'est pas un oubli. La question s'est posée. Elle a été discutée. Elles ne sont pas dans la liste, parce qu'on estime qu'elles n'améliorent pas la performance et qu'elles ne sont fondamentalement pas mauvaises."

Olivier Niggli explique que leur utilisation par les sportifs est "un autre débat": "Est-ce que c'est une bonne pratique médicale? Est-ce que c'est acceptable qu'un sportif d'élite se fasse des injections avant un match? C'est un débat entre les médecins. Un débat sur l'éthique médicale."

Pour le directeur général de l'AMA, l'Espagnol a géré une douleur pendant une compétition, "sans que cela ne le mette dans une position qui l'avantage". "Rafael Nadal a gagné 14 titres à Roland-Garros. S'il en a gagné treize autres sans piqûre, ce n'est probablement pas grâce aux injections qu'il a gagné le 14e."

S'appuyer sur la pharma

Au-delà de l'"affaire" Nadal, Olivier Niggli explique que la lutte antidopage, dont les acteurs se réunissent ce week-end à Lausanne, a "beaucoup progressé" depuis le dopage institutionnalisé de la Festina dans les années 1990, et le système Armstrong - US Postal de la décennie 2000. Il estime que les dopés n'ont plus une longueur d'avance sur les "gendarmes" de la lutte antidopage, notamment grâce à l'évolution scientifique.

Punir le sportif, c'est une chose. Mais si on ne s'attaque pas au système qui est derrière, on ne change pas la situation

Olivier Niggli, directeur général de l'AMA

"Nous avons désormais des accords avec l'industrie pharmaceutique, qui nous permettent d'avoir accès à la molécule d'un nouveau médicament avant sa mise sur le marché. Les laboratoires peuvent ainsi développer des tests antidopages", décrit-il. Cela permet à l'AMA d'être prêt, alors que par le passé elle devait attendre qu'un produit soit utilisé par un sportif avant d'être détecté.

Il indique également que la stratégie de la lutte antidopage n'est plus uniquement focalisée sur les contrôles. Elle s'appuie désormais aussi sur les "investigations". "Les enquêtes permettent de démanteler le réseau, l'entourage... Punir le sportif, c'est une chose. Mais si on ne s'attaque pas au système qui est derrière, on ne change pas la situation."

Propos recueillis par David Berger

Adaptation web: Valentin Jordil

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