Un homme aux cornes de bison déambulant dans les couloirs du Congrès américain, des élus rampant au sol avec des masques à gaz... Les manifestants ont pris d'assaut le siège du Congrès après "les encouragements" de l'ancien président, a déclaré Bennie Thompson, le chef de la commission dite du "6 janvier" en ouverture d'une série d'auditions censées prouver l'existence d'une campagne coordonnée pour renverser le résultat de la présidentielle de 2020.
"Le 6 janvier a été la culmination d'une tentative de coup d'Etat", a affirmé Bennie Thompson. "Donald Trump était au centre de ce complot". Depuis près d'un an, ce groupe d'élus - 7 démocrates et 2 républicains - a entendu plus de 1000 témoins, dont deux enfants de l'ancien président et épluché 140'000 documents pour faire la lumière sur les faits et gestes de Donald Trump et de son entourage avant, pendant, et après cet événement qui a fait trembler la démocratie américaine.
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Images inédites
Des dizaines de journalistes, de politiques et d'employés du Congrès se sont entassés pour l'occasion dans la Cannon Caucus Room, sur la colline du Capitole, le brouhaha de leurs conversations s'éteignant avec les discours d'ouverture des responsables de la commission d'enquête puis la projection de vidéos du chaos sur écran géant.
Ces images, pour la plupart inédites, ont fourni un récit minute par minute de l'émeute qui voulait renverser le résultat de la présidentielle de 2020, remportée par Joe Biden.
Dans la salle, le public regardait dans un silence solennel. Certains ont sorti leur téléphone portable pour filmer les images projetées et capturer ce moment historique. Une vidéo juxtaposait des images d'insurgés envahissant le complexe avec des images de la foule parcourant les couloirs du Capitole et un enregistrement audio de Donald Trump saluant des manifestants "pacifiques".
Retransmission télévisée
L'audition, méticuleusement organisée et calibrée pour sa retransmission télévisée, était la première opportunité pour la commission de présenter au public ce qu'elle a appris des plus de 1000 témoins interrogés et des 140'000 documents passés au peigne fin.
Sa mission centrale était de tenter d'identifier les catalyseurs de la violence de cette journée sans précédent. Mais les enquêteurs ont également été chargés d'évaluer l'étendue des nombreuses tentatives suspectes de Donald Trump de s'accrocher au pouvoir, et la manière dont elles ont contribué à l'effusion de sang.
SMS, vidéos et tweets de l'ancien président à l'appui, des élus ont commencé à présenter les différents scénarios envisagés par l'ancien président et son entourage pour changer le cours de l'élection présidentielle de 2020, jusqu'à l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021.
Une agente de la police du Capitole, Caroline Edwards, "la première membre des forces de l'ordre à avoir été blessée par les émeutiers" le 6 janvier, ainsi qu'un auteur de documentaire, Nick Quested, dont l'équipe a documenté l'assaut, seront les premiers témoins de cette audition. De nombreux Américains vont découvrir "pour la première fois" ce qu'il s'est réellement passé le 6 janvier, a affirmé le président Joe Biden jeudi.
La policière Caroline Edwards a témoigné de la violence de cette journée qui a choqué aux Etats-Unis et dans le monde, au cours de laquelle elle a été victime d'une commotion cérébrale lorsqu'elle s'est blessée à la tête sur les marches du Capitole après avoir été renversée par le déferlement de la foule. Elle a parlé du "sang, de la sueur et des larmes" qu'elle a versés "ce jour-là pour défendre le bâtiment".
"N'importe quoi"
Ont été également projetés jeudi soir des extraits d'entretiens enregistrés avec des responsables de l'administration Trump et de son équipe de campagne, qui ont dit aux membres du cercle restreint de l'ex-président que rien ne justifiait de renverser les résultats de l'élection.
Le ministre de la Justice sous Trump, Bill Barr, est ainsi montré disant aux enquêteurs que les allégations de fraude du président défait, impliquant de supposées machines à voter manipulées, étaient "absolument n'importe quoi". La fille et ancienne conseillère de Donald Trump, Ivanka Trump, parlant pour la première fois des allégations de fraude, a elle été montrée disant qu'elle "acceptait" leur rejet par Bill Barr.
En l'absence de pouvoirs de poursuite réels - le ministère de la Justice mène une enquête criminelle parallèle - la commission considère que son travail consiste à condamner Donald Trump devant le tribunal de l'opinion publique.
agences/br/fgn
"On est passé beaucoup plus près de la catastrophe qu'on ne le pensait"
Historienne à l'Université de Toulouse et spécialiste des Etats-Unis, Françoise Coste était invitée vendredi matin dans La Matinale pour commenter les premiers résultats de l'enquête parlementaire suite à l'attaque du Capitole. Selon elle, le danger de cette attaque a été "minimisé".
"En fait, les premières réactions après les auditions, c'est qu'on est passé beaucoup plus près de la catastrophe que ce que l'on pensait. On ne l'a pas réalisé en temps réel", analyse Françoise Coste, qui estime aussi que parler de "coup d'Etat" n'est pas exagéré.
Le bon angle
"Les premières conclusions rendues hier montrent que c'était le bon angle d'approche. Depuis janvier 2021, on n'a jamais bien compris qui avait fini par appeler la Garde nationale et pourquoi elle avait mis tant de temps à arriver. Jeudi, on a eu la réponse: normalement, Donald Trump aurait dû l'appeler, mais il a refusé de le faire. C'est donc Mike Pence, son vice-président, qui a téléphoné à l'armée pour dire: 'Venez nous aider'."
Et de poursuivre son explication: "Normalement, Mike Pence n'avait pas l'autorité pour le faire. Il a pris une décision anticonstitutionnelle, parce qu'il y avait vacance du pouvoir au-dessus de lui. Après coup, et c'est encore pire, le chef de cabinet de Donald Trump a demandé au chef d'Etat-Major de l'armée de mentir et de dire que c'est Donald Trump qui avait demandé à l'armée d'intervenir. Là, on a vraiment une magouille autour de l'armée qui est la définition même du coup d'Etat."