Début 2022, les neuf nations dotées de "la bombe" (Russie, Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord) détenaient 12'705 têtes nucléaires, soit 375 de moins que début 2021, selon les estimations de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
Depuis son record absolu de 1986 (plus de 70'000 têtes), ce total a été divisé par plus de cinq avec la baisse régulière des énormes arsenaux russes et américains constitués durant la Guerre froide. Moscou et Washington contrôlent en effet à eux deux 90% de l'arsenal nucléaire mondial.
Mais cette ère de désarmement touche certainement à sa fin et le risque d'escalade nucléaire est désormais au plus haut de l'ère post-Guerre froide, selon le rapport du centre de recherche suédois.
"Phénomène réellement dangereux"
"Bientôt, nous allons arriver à un point où, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, le nombre d'armes nucléaires dans le monde pourrait commencer à augmenter, ce qui est un phénomène réellement dangereux", a déclaré Matt Korda, un des coauteurs des travaux. Après la baisse "marginale" observée l'an passé, l'arsenal mondial devrait recommencer à progresser "au cours de la décennie à venir", selon le Sipri.
La guerre en Ukraine s'est traduite par plusieurs références explicites du président russe Vladimir Poutine à l'usage de l'arme atomique et plusieurs pays, comme la Chine et le Royaume-Uni, mènent officiellement ou officieusement des plans de modernisation ou de développement de leurs arsenaux, souligne l'institut.
"Il va être très difficile de faire des progrès sur le désarmement dans les années à venir à cause de cette guerre et de la façon dont Poutine parle de ses armes nucléaires", selon Matt Korda. Pour lui, ces déclarations inquiétantes "poussent beaucoup des autres puissances ayant l'arme nucléaire à repenser leurs propres stratégies atomiques".
Une dégradation progressive
Malgré l'entrée en vigueur du traité d'interdiction des armes nucléaires début 2021 après sa ratification par plus de 50 pays et la prolongation pour cinq ans du traité russo-américain Start, le contexte s'était déjà dégradé ces dernières années, selon le Sipri, sur fond d'inquiétude autour du programme nucléaire iranien et de développement de missiles hypersoniques encore plus difficiles à intercepter.
La baisse du nombre total d'armes n'est d'ailleurs due qu'au démantèlement de têtes nucléaires russes et américaines "retirées du service il y a plusieurs années". Le nombre d'armes considérées comme opérationnelles reste lui "relativement stable".
La Russie première puissance nucléaire mondiale
Selon les dernières estimations du Sipri, la Russie est toujours la première puissance atomique mondiale, avec 5977 têtes (-280 sur un an) déployées, stockées ou en attente de démantèlement début 2022. Près de 1600 d'entre elles seraient opérationnelles, selon l'institut.
Les Etats-Unis ont eux 5428 têtes (-120) mais avec davantage d'armes déployées (1750). Suivent la Chine (350), la France (290), le Royaume-Uni (225), le Pakistan (165), l'Inde (160) et Israël (90), seule puissance des neuf ne reconnaissant pas officiellement détenir l'arme atomique.
Quant à la Corée du Nord, le Sipri estime pour la première fois que le régime communiste de Kim Jong-Un a assemblé 20 têtes nucléaires. Pyongyang a suffisamment de matière fissile pour en produire une cinquantaine.
Malgré des déclarations diplomatiques, "tous les Etats équipés de l'arme nucléaire augmentent ou modernisent leurs arsenaux et la plupart durcissent leur rhétorique nucléaire et le rôle des armes atomiques dans leurs stratégies militaires", selon le Sipri.
"En Chine, une augmentation substantielle de l'arsenal nucléaire est en cours, avec des images satellites indiquant la construction de plus de 300 nouveaux silos de missiles", affirme l'organisme. Selon le Pentagone, Pékin pourrait disposer de 700 têtes d'ici 2027.
afp/boi