La réponse politique à cette guerre est la "neutralité coopérative", déclarait le ministre des Affaires étrangères et président de la Confédération Ignazio Cassis, à l'ouverture du Swiss Economic Forum début juin. "Cette fois-ci, la violation du droit international a été si massive que la coopération est également devenue plus importante", ajoutait-t-il.
Le cas de la Finlande et de la Suède
Plus au nord, ce sont la Suède et la Finlande - des pays jusqu'ici restés neutres en matière d'alliance militaire - qui ont opéré un revirement majeur en soumettant leur demande d'adhésion à l'Otan. "C'est très difficile de défendre la neutralité dans le monde moderne", analyse Anne Applebaum dans l'émission Tout un monde de la RTS. "On remarque que cette décision est soutenue par un large éventail de l'opinion politique. Cette adhésion est considérée à la fois comme une question morale et une question de sécurité."
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Du côté de l'Hexgagone, les nombreux coups de téléphone d'Emmanuel Macron à Vladimir Poutine avaient-ils un sens? La spécialiste n'y voit pas d'objection particulière. "La seule chose dont il faut se méfier est l'idée selon laquelle on peut obtenir la paix avant la victoire de l'Ukraine. Cela serait une erreur car ça reviendrait à offrir du temps à la Russie", poursuit-elle.
A quand la fin des combats?
Fin mai, au Forum de Davos, l'ancien secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger estimait que l'Ukraine devrait céder des territoires à la Russie pour aider à mettre fin à l'invasion. Les pays occidentaux, disait-il, doivent se souvenir de l'importance de la Russie et ne pas se laisser "emporter par l'humeur du moment".
La guerre se terminera quand les Russes arrêteront de se battre et que le Kremlin cessera de vouloir être une puissance impériale
Des propos controversés que ne partage pas Anne Applebaum. Selon elle, la guerre se terminera quand les Russes décideront d'arrêter de se battre et lorsque le Kremlin cessera de vouloir être une puissance impériale.
Une propagande pour endormir la masse
La réaction de la société russe est également frappante. Elle semble majoritairement soutenir le président russe Vladimir Poutine et sa guerre en Ukraine. Mais pour Anne Applebaum, de nombreux citoyens refusent de répondre aux enquêtes d'opinion. Beaucoup craignent également de finir en prison s'ils critiquent leur gouvernement.
A cela s'ajoute les effets d'une propagande massive avec plus aucun média d'opposition pour la contrer. Une propagande russe qui diffère de la propagande soviétique, note la lauréate du prix Pulitzer en 2004. "Elle ne cherche pas à susciter de l'optimisme pour l'avenir et ne crée pas un idéal auquel les gens aspirent. Son but est de rendre les gens tranquilles et nihilistes. C'est une propagande efficace pour maintenir les gens dans le silence mais moins pour susciter l'enthousiasme."
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Sursaut de courage et d'optimisme
Sans perspective de cessez-le-feu ou même de négociations, existe-t-il encore de l'espoir? Paradoxalement, Anne Applebaum se dit optimiste.
L'unité face à la guerre nous a donné un moyen d'être optimistes
Elle voit un exemple de courage de la part des Ukrainiens et Ukrainiennes dans cette guerre éclair qui n'a finalement pas eu lieu. "Personne n'imaginait une telle unité entre l'Amérique et l'Europe. Personne ne pensait qu'il était possible de créer ce genre de patriotisme et d'enthousiasme dans un pays moderne. Ils nous ont montré un moyen d'être optimistes."
Propos recueillis par Patrick Chaboudez
Texte web: Hélène Krähenbühl