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Socle du zéro-Covid, le dépistage de masse coûte très cher à la Chine

Un kiosque de dépistage dans la rue à Shanghai. [RTS - Michael Peuker]
La Chine a dépensé près de 26 milliards de francs entre avril et juin pour le dépistage systématique de la population / Le 12h30 / 1 min. / le 14 juin 2022
Quelque 10,8 milliards de tests PCR ont été effectués en Chine au cours de la période avril-juin. Gratuits pour la population, les autorités ont déboursé près de 26 milliards de francs pour ce dépistage de masse, soit plus que le PIB de l'Islande ou du Cambodge. Ces surcoûts posent la question de la pérennité de cette politique sur le long terme.

Traumatisées par le confinement strict de plus de deux mois souffert par Shanghai, de nombreuses grandes agglomérations tentent de se prémunir contre une telle paralysie en intensifiant le dépistage de la population.

Tout juste sortie de son coma artificiel, la capitale économique et financière chinoise impose par exemple désormais à ses habitants un test PCR toutes les 48 heures. Ceux qui refusent de s'y plier s'exposent au risque de voir le code sanitaire sur leur téléphone portable passer du vert au jaune, les bannissant de fait de tous les lieux publics.

Pour permettre aux résidents de satisfaire à ces exigences, un dense réseau d'infrastructures a été déployé: des postes de dépistage ont été installés à intervalle de 15 minutes de marche dans plusieurs villes. Les imposantes cabines aux épaisses vitres desquelles jaillissent des paires de gants en caoutchouc permettent aux travailleurs sanitaires de prélever à la chaîne et en toute sécurité des millions d'échantillons par jour. Si elle n'est pas encore généralisée, la pratique se répand dans de nombreuses régions du pays.

Mise en garde contre les excès

Face à cette tendance, le gouvernement central a récemment mis en garde contre les excès, décourageant le recours aux tests systématiques dans les zones à faible risque ou dans lesquelles aucune infection au Covid-19 n'a été détectée. Mais dans un système bureaucratique très hiérarchisé où les dirigeants locaux risquent leur place en cas d'apparition d'un foyer épidémique, les excès de zèle sont monnaie courante.

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Cette prudence est toutefois susceptible de plomber les finances publiques: dans une récente estimation, la Goldman Sachs soulignait que si 70% des Chinois étaient soumis à un régime de dépistage normalisé, le surcoût occasionné serait de 370 milliards de francs, soit 2,2% du PIB national en 2021.

Les autorités locales paient pour l'instant

Pour l'heure, les autorités locales supportent seules les coûts de ces opérations. Or beaucoup sont déjà surendettées et disposent de moyens très limités. Certaines – y compris Shanghai – ont annoncé leur intention de mettre les habitants à contribution dès le mois prochain, au risque de susciter la grogne populaire. Subventionnés, les tests PCR devrait coûter entre 16 et 20 yuans – soit 2,40 à 3 francs.

Ainsi facturés, ces prélèvements permanents ajouteraient une pression financière supplémentaire à une classe ouvrière chinoise déjà éprouvée par les restrictions zéro-Covid. A ce tarif, un test de dépistage toutes les 48 heures représenterait environs 300 yuans par mois pour un salaire moyen de 8000 à 9000 yuans mensuel. En plus de cette charge financière non négligeable, de nombreux résidents se plaignent déjà de longs délais d'attente pour se faire tester.

Une situation loin d'être idéale pour les autorités qui font face à un casse-tête difficile à résoudre. Maintenir l'économie à flot sans faire exploser la dette tout en garantissant la stabilité sociale et un nombre d'infections au Covid-19 le plus bas possible: c'est la quadrature du cercle à laquelle se heurte désormais Pékin.

Michael Peuker

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