Mohamedou Ould Slahi: "En quatorze ans, je n’ai jamais vu le soleil se lever ou se coucher"
"En quatorze ans, je n’ai jamais vu le soleil se lever ou se coucher. Jamais. Je suis heureux d’être vivant", déclare le Mauritanien de 51 ans. Il a décidé de pardonner à "tout le monde", même aux Américains, à l'égard de qui il ne garde aucune rancune. "Les Américains sont les gens les plus gentils que j’aie jamais rencontrés. Ils sont généreux. Ils veulent toujours aider. Ils veulent être aimés", souligne-t-il. Mais, finalement, il explique ne plus faire de distinction entre les habitants d’une même planète.
Je ne vois pas les gens en tant que détenteurs de passeports
"J’ai trouvé la liberté et la paix", indique l’ancien prisonnier "760" de Guantanamo. Accusé d’être le recruteur des terroristes des attentats du 11 septembre, il est victime d'abus physiques, de privations de sommeil et de menaces. Il sera pourtant relâché en 2016, sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui et sans être dédommagé.
"Enlevé devant les yeux de ma mère"
Comment a-t-il tenu face aux mauvais traitements? "Je n’ai aucune réponse à cette question", répond-il. "Peut-être la curiosité scientifique, parce que j’ai voulu savoir [des choses] sur les Américains, les gens qui m’ont enlevé devant les yeux de ma mère", avance-t-il.
Mais je ne peux pas vivre dans la douleur. C’est pour cela que j’ai décidé de pardonner.
Il raconte alors sa capture: "Je me rappelle vivement de ce jour. J’ai vu la peur dans les yeux de ma mère. La dernière image [que j'ai] d'elle, c’était à travers le rétroviseur de la voiture avec laquelle ils m’ont enlevé."
"Après douze-treize ans, j’ai reçu la nouvelle que ma mère était décédée", poursuit-il. "Je ne peux pas décrire la douleur que j’ai ressentie, alors que je savais que je n’aurais jamais la chance d’assister aux funérailles de la femme qui m’a aimé sans condition."
Mohamedou Ould Slah a publié ses mémoires "Les Carnets de Guantánamo" en 2015. Le livre a été porté à l’écran par la réalisateur Kevin Macdonald dans le long-métrage "Désigné coupable", sorti l’été dernier.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Antoine Michel