Le 8 juin, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a adopté une résolution pour dénoncer le manque de coopération de l'Iran dans le dossier nucléaire. Téhéran a condamné ce texte, le jugeant "non constructif", et a désactivé en riposte des caméras de surveillance.
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"Cette réaction ne veut pas nécessairement dire que l'Iran a quelque chose à cacher, mais c'est problématique pour l'AIEA. Ces caméras permettent de s'assurer des quantités exactes de matériel nucléaire en Iran. Sans cette transparence, la fenêtre d'opportunité pour revenir à un accord se limite à trois ou quatre semaines. Au-delà, l'agence n'aura plus de références assez précises pour garantir la dimension pacifique des activités nucléaires", explique Névine Schepers, chercheuse au centre d'études sur la politique de sécurité de l'EPFZ, mercredi dans l'émission Tout un monde.
Retrait américain en 2018
L'accord sur le nucléaire iranien, signé à Vienne en 2015, prévoyait un allègement des sanctions contre l'Iran en échange de restrictions sur son programme nucléaire pour garantir qu'il ne pourra pas développer une arme nucléaire.
Les Etats-Unis, sous le mandat de Donald Trump, s'étaient unilatéralement retirés du pacte en 2018, réimposant des sanctions étouffantes à l'Iran, qui a riposté en revenant progressivement sur ses propres engagements.
Depuis l'élection de Joe Biden, Washington tente de réintégrer l'accord en reprenant ses conditions pour toutes les parties. Des pourparlers ont débuté à Vienne il y a plus d'un an, mais le dialogue est au point mort depuis le mois de mars. La demande iranienne de retirer les Gardiens de la révolution - une organisation paramilitaire - de la liste américaine des organisations terroristes bloque notamment les négociations.
Moyen de pression
"Lorsque Donald Trump s'est retiré de l'accord, il a mis en place des sanctions qui n'ont pas un lien direct avec les questions nucléaires, y compris cette dénomination terroriste pour les Gardiens de la révolution. Lorsque les négociations ont repris, il y a eu des problèmes concernant les sanctions qui devraient être levées. Les Iraniens ont insisté pour que toute sanction mise en place depuis 2018 soit retirée, ce qui n'est pas possible politiquement du côté américain", relève la chercheuse.
Je ne pense pas que l'Iran a vraiment envie de posséder une bombe atomique
Selon elle, la question des Gardiens de la révolution est un "moyen de pression" pour les Iraniens. "Ils savent qu'il y a une échéance politique aux Etats-Unis en novembre avec les élections de mi-mandat. Cela limite la marge de manoeuvre de l'administration Biden pour résoudre cette question".
"Personne ne souhaite un échec de la diplomatie"
D'après Névine Schepers, un accord pourrait être rapidement obtenu si la tension retombait et que l'Iran réactivait les caméras de surveillance. "Je ne pense pas que l'Iran a vraiment envie de posséder une bombe atomique. Téhéran joue avec la notion du seuil d'uranium enrichi car ça lui permet d'avoir un certain levier dans les négociations. Les Iraniens savent qu'il y a un seuil qui ne serait plus acceptable du côté américain et européen. Cela mettrait en péril tout le régime de non-prolifération des armes nucléaires au niveau international."
De leur côté, les Occidentaux disposent aussi de sérieux moyens de pression. "L'Iran se trouve dans une situation économique assez grave, donc la levée des sanctions souhaitée par l'Iran est importante et nécessaire pour permettre au pays de se développer. Cette promesse reste un levier important. Pour le moment, personne ne souhaite un échec de la diplomatie. Personne ne veut voir s'enclencher toute cette série d'événements qui aggraveraient le contexte sécuritaire au Moyen-Orient", souligne la spécialiste.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/gma
L'Iran mise toujours sur les négociations
L'Iran a déclaré mardi croire toujours aux négociations pour relancer l'accord nucléaire de 2015 avec les puissances mondiales, malgré les récentes tensions avec l'AIEA.
"Nous pensons que les négociations et la diplomatie sont le meilleur moyen pour aboutir à un accord", a déclaré mardi le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian.
A Washington, le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price a refusé d'entrer dans le détail des discussions, se bornant à dire que les échanges se poursuivaient par l'intermédiaire de l'émissaire de l'UE Enrique Mora.
L'Iran "doit décider d'abandonner les demandes sans lien" avec le nucléaire, ce qui permettrait de "conclure très rapidement" une entente pour sauver l'accord de 2015, a-t-il estimé. "Si l'Iran ne fait pas cela, il rendra encore plus improbable" une telle solution diplomatique, a-t-il prévenu.