Pour atteindre les bureaux de TOLOnews, situés à Kaboul, il faut franchir un point de contrôle. Les chaînes de télévision du groupe MOBY ont déjà été la cible d'attentats à la voiture piégée et plus d'une dizaine de journalistes ont été tués ces dernières années.
Aujourd'hui, ses programmes d'information sont surveillés par les talibans, qui ont récemment imposé de nouvelles règles, notamment aux femmes journalistes.
Tahmina Osmani, journaliste à TOLOnews, doit ainsi désormais passer par la loge maquillage pour enfiler un hiijab et se couvrir le visage avant son passage à l'antenne. "Avant, on devait simplement mettre une veste. Aujourd'hui on doit mettre un voile intégral" et porter un masque, explique-t-elle au micro de la RTS.
Des journalistes sous contrainte
"J'ai choisi ce métier pour porter la voix des gens, pour qu'ils sachent que quelqu'un est à leur côté", poursuit Tahmina Osmani, qui se dit sous pression.
"Je pense que cette pression va encore s'accentuer sur moi et les autres femmes. Je ne me sens pas en sécurité. Les talibans connaissent mon visage, car avant je ne portais pas de masque. Tout peut nous arriver désormais."
Tahmina Osmani, qui lutte comme d'autres journalistes afghanes pour la liberté d'information, souhaite faire passer un message aux pays et aux médias occidentaux: "Rappelez-vous que les femmes en Afghanistan sont des victimes depuis des décennies, spécialement pendant ces dernières années. Pour nous soutenir, affichez-vous à nos côtés et ne laissez pas nos voix s'éteindre".
La liberté d'information menacée
A TOLOnews, l'ensemble des journalistes est sur le qui-vive. "La pression sur les médias augmente graduellement. Au début, après l'effondrement de la République afghane, j'étais encore optimiste. Aujourd'hui je ne le suis plus à cause des restrictions qui augmentent jour après jour", avoue Khpolwak Sapai, directeur de la chaîne d'information en continu et journaliste couvrant l'Afghanistan depuis 40 ans.
Actuellement, en Afghanistan, certains programmes étrangers sont censurés. Les talibans veulent contrôler l'information et leur image. Ils apparaissent d’ailleurs régulièrement au journal télévisé de TOLOnews.
"Nous sommes un média et les talibans sont une source, donc nous devons les appeler et les inviter sur nos écrans", explique Khpolwak Sapai. "Certains sont intéressés à nous parler, d’autres moins. Quelques-uns se plaignent quand ils voient arriver une femme journaliste."
Le travail du directeur consiste aujourd'hui principalement à négocier avec les autorités talibanes. Khpolwak Sapai sent la liberté de presse reculer jour après jour dans son pays: "L'expérience de ces 10-11 derniers mois montre que la situation se durcit. Je suis vraiment fatigué. Mais nous continuerons à aller de l'avant tant que nous ne serons pas forcés de mentir au public", affirme-t-il.
Raphaël Grand/iar