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Clotilde Champeyrache: "Cosa Nostra est toujours active et importante"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Clotilde Champeyrache, économiste, spécialiste de la mafia
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Clotilde Champeyrache, économiste, spécialiste de la mafia / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 15 min. / le 17 juin 2022
Les juges italiens anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino étaient assassinés en Sicile il y a 30 ans par des membres de Cosa Nostra, marquant un point de rupture dans l’histoire du crime organisé. Malgré cela, les mafias italiennes n’ont jamais été aussi puissantes qu’aujourd’hui. Le point avec Clotilde Champeyrache, économiste et spécialiste de la mafia.

Si ce n'était pas la première fois que le crime organisé assassinait des poids lourds de la lutte anti-mafia, la particularité des assassinats de Falcone et Borsellino est qu'ils ont eu lieu après le maxi-procès de 1986-1987, qui a provoqué une réaction de l’Etat et signé la fin de l'hégémonie de Cosa Nostra, avec l'arrestation en 1993 du chef Toto Riina. Aux Corléonais et à leur image cinématographique ont succédé d’autres mafias violentes mais aussi discrètes, financiarisées et mondialisées.

>> Revoir le sujet du 19h30 sur l'assassinat de Borsellino et Falcone :

Assassiné il y a 30 ans, le juge antimafia Giovanni Falcone a fait des émules en Sicile
Assassiné il y a 30 ans, le juge antimafia Giovanni Falcone a fait des émules en Sicile / 19h30 / 2 min. / le 23 mai 2022

"L'idée d'un déclin de Cosa Nostra est toutefois à relativiser", précise Clotilde Champeyrache, spécialiste des mafias et maîtresse de conférences au Conservatoire national des arts et métiers, au micro de La Matinale vendredi. "Cosa Nostra est toujours active, toujours importante, même si elle a reculé dans le trafic de drogue et est donc moins bien portante financièrement."

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A quoi reconnaît-on une mafia? "La loi italienne définit depuis 1982 ce qu'est une association mafieuse. Il faut qu'il y ait cumul de certaines caractéristiques pour qu'on puisse parler de mafia: le lien associatif qui permet de créer de l'assujettissement et de l'omertà, des délits commis dans différents domaines ce qui la distingue notamment des cartels de la drogue, la présence dans des activités légales et le contrôle des élections et des votes", énumère Clotilde Champeyrache.

Structures mondialisées

Si la loi italienne a défini le délit d'association mafieuse au départ pour la Cosa Nostra sicilienne, le législateur a depuis étendu la définition à d'autres phénomènes, dont la Camorra à Naples, la 'Ndrangheta en Calabre qui, montée en puissance dans l'ombre de Cosa Nostra, est actuellement à la tête du trafic de drogue, notamment la cocaïne, pour l'Europe, et même à certaines associations étrangères comme la mafia nigériane.

Toute ces mafias sont aujourd'hui internationalisées et mondialisées. "Elles savent ce qu'on peut faire en terme de montages financiers, de sociétés écrans, de secret bancaire. Mais du fait de leur polyactivité, elles détiennent aussi des entreprises légales, et toute une partie du blanchiment a donc lieu à l'intérieur du système mafieux sans avoir besoin d'un montage complexe", décrit la spécialiste de l’économie illicite.

Cohabitation des crimes organisés

L'ère actuelle est à la cohabitation criminelle, avec des hiérarchies criminelles entre les mafias Cosa Nostra en Sicile, la Camorra à Naples et la 'Ndrangheta en Calabre, selon Clothilde Champeyrache. La Sacra Corona Unita, située dans les Pouilles, fait elle figure de quatrième mafia locale émergente. "Les mafias travaillent ensemble quand elles savent que c'est leur intérêt de le faire", note-t-elle.

D'aucuns déplorent aujourd'hui que l'Italie a passé au second plan la lutte contre la mafia. Pourtant, la Péninsule connaît toujours un engagement de l'Etat, des forces de l'ordre et de la justice, et des procès anti-mafia se tiennent de manière régulière. "On ne peut pas dire que l'Italie est inactive, mais les mafias sont toujours là, elles conquièrent de nouveaux territoires en Italie et à l'étranger, ce qui donne un sentiment d'impuissance et parfois pour le citoyen une envie qu'on en fasse plus", conclut Clothilde Champeyrache.

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Propos recueillis par Frédéric Mamaïs

Adapation web: Katharina Kubicek

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