Pour la première fois sous la Cinquième République, le peuple français a donc décidé de ne pas donner de majorité parlementaire au président à la suite de son élection. Il aura manqué près de 40 députés à Emmanuel Macron pour atteindre cette majorité absolue. De plus, trois ministres devront démissionner car ils ont été battus dans leur circonscription respective. Un revers électoral très sévère pour le président, qui devra désormais apprendre à construire des majorités différemment et au cas par cas.
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Face à cet échec retentissant, les représentants du pouvoir sont restés pour l'heure évasifs. "Nous tendons la main aux députés de bonne volonté", disent-ils en choeur. Dans une brève allocution, la Première ministre Elizabeth Borne a quant à elle promis une majorité d'action et d'oeuvrer dans le dialogue. Au final, c'est sans doute la droite qui pourrait faire l'appoint, mais tout apparaît encore incertain. Une chose est cependant sûr, le régime présidentiel tout-puissant a pris fin dimanche.
"Les Républicains (et leurs alliés) sont à 75 députés et tous ne sont pas d'accord, car tous ne veulent pas de ce pacte de gouvernement. La question est donc de savoir combien accepteront", explique dans l'émission Tout un monde Laetitia Krupa, éditorialiste à Franceinfo et à Public Sénat.
La dédiabolisation du Rassemblement national
Du côté des oppositions, les députés RN ont sans aucun doute été la grande surprise de ce scrutin. De 8 après les élections de 2017, ils seront près de 90 lors de la prochaine législature; des résultats qui vont bien au-delà de ce que Marine Le Pen elle-même prédisait.
C'est une "victoire historique", juge Laetitia Krupa. "La dernière fois que le Front national avait eu un groupe à l'Assemblée nationale, c'était en 1986 à la faveur de la proportionnelle, une parenthèse dans l'histoire de la Cinquième République (...) C'est la première fois que le Rassemblement national réussit à avoir un groupe au scrutin majoritaire à deux tours, et pas n'importe lequel. Ils sont plus nombreux que Les Républicains et donc que la droite traditionnelle", ajoute-t-elle.
D'après la spécialiste, ce résultat, associé également à la nette progression de Marine Le Pen lors de la dernière présidentielle, montre que la stratégie de "dédiabolisation" du parti a fonctionné. Le Rassemblement national est désormais un parti comme un autre pour les Français.
L'union de la Nupes déjà en danger?
Quant à la gauche unie, elle effectue un spectaculaire retour en force sur les bancs de l'Assemblée. La Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) sera la première force d'opposition.
Même s'il échoue dans son objectif proclamé d'imposer une cohabitation, le camp emmené par Jean-Luc Mélenchon compte jeter toutes ses forces pour entraver autant qu'il le peut les réformes voulues par Emmanuel Macron.
Pour Laetitia Krupa, si vendre l'idée d'un Jean-Luc Mélenchon Premier ministre était un "coup de maître" du point de vue de la communication politique, l'union de gauche pourrait très vite se disloquer.
"Dès mercredi, les groupes vont reprendre leur casquette. Il y aura un groupe socialiste, un groupe écologiste, un groupe communiste et, bien sûr, un groupe France insoumise, beaucoup plus fourni", détaille-t-elle. Les divergences et oppositions pourraient donc morceler un peu plus encore l'Assemblée.
Un souvenir de la Quatrième République?
L'éditorialiste estime par ailleurs que ces résultats montrent que la volonté d'Emmanuel Macron de dépasser le clivage gauche-droite est désormais "caduc".
Avec un Parlement fracturé, il est donc à craindre une France paralysée où l'Assemblée nationale pourrait rappeler les souvenirs de la Quatrième République, conclut-elle.
>> Les explications dans le 19h30:
Sujet radio: Alexandre Habay
Propos recueillis par Blandine Lévite