En France, "il faudra que la politique trouve une solution" pour éviter une ingouvernabilité
L'Assemblée nationale française est fragmentée. Elle va désormais incarner un paysage politique complexe, comme elle ne l'a jamais fait depuis le début de la Ve République en 1958.
La coalition pro-Macron Ensemble!, avec ses 245 sièges, a perdu dimanche sa majorité absolue lors du 2e tour des élections législatives. Elle a obtenu la plus petite majorité de la Ve République. Cette coalition fait face à deux groupes contestataires: la Nupes, alliance des quatre principaux partis de gauche formée début mai avec 131 fauteuils, et le Rassemblement national (RN) avec 89 sièges.
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Une situation inédite
Si cette disposition politique peut paraître triviale en Suisse, elle revêt un caractère exceptionnel chez nos voisins. Le scénario est en effet inédit: dans l'histoire de la Ve République, hormis exceptions dues à des cohabitations, le Parlement a toujours été dominé par le parti présidentiel et se contentait le plus souvent de valider le programme de l'exécutif.
Le débat au Palais Bourbon s'annonce dorénavant compliqué. Le gouvernement sera sans cesse attaqué par les deux gros blocs d'opposition et il sera obligé de trouver des alliances ponctuelles et des compromis. Or, "la France est un régime semi-présidentiel qui n'est pas habitué au compromis", a souligné Gilbert Casasus, politologue et professeur en études européennes à l'Université de Fribourg (UniFR), invité lundi sur le plateau du 19h30.
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Dans ce contexte, le défi majeur du président Emmanuel Macron sera de savoir s'il pourra compter sur des majorités flexibles, a déclaré le spécialiste. "Et là, la question reste actuellement sans réponse."
Vers une ingouvernabilité?
D'après Gilbert Casasus, aucune des forces d'opposition n'a d'intérêt à une alliance avec le président français, la gauche étant "plus divisée qu'on ne le pense" et une partie des Républicains se rapprochant davantage de l'idéologie du RN que de celle de la coalition de Macron.
"Il est temps que le Parlement retrouve un certain pouvoir et une certaine expression démocratique. Mais il faut aussi qu'il soit capable de trouver des solutions et des accords", a analysé le professeur. Or, cet équilibre est encore loin d'être acquis.
Gilbert Casasus a rappelé que des motions de censure - qui ont lieu lorsqu'une majorité de députés vote contre le gouvernement, qui est obligé de démissionner - peuvent notamment être déposées, et que l'assemblée parlementaire peut également être dissoute. Ce dernier scénario est jugé "possible, voire probable" par le politologue.
L'ouverture officielle de l'Assemblée nationale est prévue le 28 juin prochain.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Isabel Ares/sm