Parmi les personnalités qui se battent contre cette impunité, figure la journaliste mexicaine Soledad Jarquin. Auteure d'une publication féministe, elle a reçu en 2006 le prestigieux prix national du journalisme.
Invitée à Genève par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) pour dénoncer le déni de justice face aux féminicides au Mexique, l’activiste est également connue pour être la mère de Maria del Sol, tuée par balle dans l’Etat d’Oaxaca, lors d'un triple assassinat, le 2 juin 2018. Reporter photo, sa fille venait d’être engagée au Secrétariat des affaires indigènes. Le jour du drame, elle accompagnait une candidate aux élections municipales. A la suite de son décès, aucune enquête sérieuse n’a été menée par les autorités mexicaines.
Menaces de mort
Le cas de Maria del Sol est emblématique de l’impunité quasi générale qui prévaut pour les féminicides au Mexique. "Nous sommes convaincus que le jour où les ministères publics, les procureurs sauront comment enquêter ou se mettront à considérer les crimes contre les femmes sous un angle différent, alors les choses commenceront à changer", confie la journaliste jeudi, dans l’émission Tout un monde. Elle déplore, par ailleurs, le fait que lorsqu’une femme est assassinée dans la rue, elle est souvent jugée en fonction de sa tenue vestimentaire, de l’heure et de l’endroit où elle se trouvait. Une manière, selon elle, de "déculpabiliser les criminels".
Malgré les difficultés, Soledad Jarquin est déterminée à poursuivre son combat pour rendre justice à sa fille. Un combat qui n'est pas sans risque pour la journaliste, victime d’intimidation et parfois même de menaces de mort.
Victoire en 2015
Au Mexique, ce travail d’enquête est d’ailleurs souvent mené par des mères. Il y a notamment le cas d’Irina Buendía qui a également perdu sa fille. Selon le partenaire de cette dernière, elle se serait suicidée. Cette version des faits, Irina Buendía n'en croit pas un mot. "Elle a donc décidé de mener elle-même l'enquête", explique Soledad Jarquin.
Après dix ans de combat, Irina Buendía est parvenue, en 2015, à faire établir par la Cour suprême du pays que tous les crimes violents commis contre des femmes devaient faire l'objet d'une enquête en tant que féminicides. Malgré cette avancée, 97% des crimes contre les femmes au Mexique ne sont pas punis.
"Mettre fin au machisme qui tue"
Du côté de la société civile, le sentiment d’indignation se mêle à une forme de résignation, voir d’indifférence. "Une grande partie de la population s’en inquiète, principalement les femmes. Mais il y a des personnes que ne se sentent pas concernées", explique Soledad Jarquin.
Face à cette vague meurtrière de féminicides, les autorités mexicaines promettent de leur côté de "mettre fin au machisme qui tue", selon la formule du ministre de l’Intérieur. Le président Andres Manuel Lopez Obrador s’est, lui aussi, engagé sur cette question, mais sans effet concret.
Cette absence de résultat a poussé la journaliste à entreprendre une démarche supplémentaire. Elle souhaite déposer une plainte à Genève auprès du comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Une manière pour elle de mettre le Mexique face à ses responsabilités sur le plan international et d’obtenir "un peu de justice".
Sujet radio: Patrick Chaboudez
Article web: Hélène Krähenbühl