Sur les bords du fleuve Imjin, les deux Corées se font face. A une heure de route du centre-ville de Séoul, seuls les barbelés et les postes d'observations militaires obstruent la vue sur les imposantes montagnes du voisin nord-coréen.
Soudain, l'autoroute s'arrête. Plusieurs militaires inspectent scrupuleusement les papiers d'identité de ceux qui sont autorisés à rentrer dans la zone de contrôle civile, dernière étape avant d'arriver à Tongil-Chon, le village de l'unification.
Tension permanente
A l'entrée du Bourg, Chae Soon-Soo, 83 ans, a passé plus de cinquante ans dans ce village, et il n'envisage pas la vie ailleurs. Il semble imperméable aux essais de missiles intercontinentaux ou à la perspective d'un test nucléaire.
"Je ne suis pas forcément inquiet", témoigne-t-il dans un reportage pour l'émission Tout un monde vendredi. "Car en cas de guerre, tous les habitants de Corée vont mourir, pas uniquement ici. Il n'y a donc pas une inquiétude particulière."
En voyant l'église, l'école et les maisons devant lesquels trône le drapeau sud-coréen, il est difficile d'imaginer à première vue que Tongil-Chon est situé en bordure de la zone de guerre. Les 400 âmes qui peuplent le village ont pourtant l'habitude d'une vie sous escorte militaire.
Mégaphones en sourdine
"Nos citoyens, ici, sont constamment dans un état de tension: la Corée du Nord est juste à côté", explique Lee Wan-Bae, maire du village depuis 20 ans. "Ils ont vécu tellement de moments très compliqués, par exemple lorsque le pont entre les deux pays a été coupé."
A l'en croire, toutefois, la vie s'est améliorée: "Il y a encore quelques années, il y avait des mégaphones de propagande des deux côtés de la frontière, et c'était très bruyant!" Derrière le maire, le drapeau nord-coréen flotte sur le village de Kijong-Dong.
Des villages vitrines
Les deux communes - séparées par une frontière de quatre kilomètres de large et de 250 de long, truffée de mines - partage la même histoire, celle de villages créés pour montrer au voisin la richesse de son pays.
"Tongil-Chon était un village avec des civils, mais il a été évacué pendant la guerre", raconte Lee Wan-Bae. "En 1973, à une époque où la Corée du Nord vivait mieux que le Sud, le gouvernement a voulu montrer la prospérité du pays en construisant 80 nouvelles maisons sur cette colline et différentes fermes pour que l'on puisse y vivre."
Zone militarisée
Cinquante ans plus tard, la vie suit son cours à Tongil-Chon, toujours rythmé par les tensions géopolitiques. Mais pour Park Cheol-Gyu, général fraîchement retraité, quel que soit le niveau des provocations, les 400'000 militaires du côté sud de la frontière restent dans un état d'alerte permanent.
"Les provocations actuelles n'affectent pas de manière très significative le niveau de préparation de l'armée sud-coréenne, car elle est toujours prête d'une certaine façon", souligne-t-il.
Les incidents dans la zone démilitarisée, un temps très fréquents, se sont raréfiés. Le dernier remonte à 2020. Mais à tout moment, un coup de feu, une incompréhension, une défection ou un essai nucléaire pourraient raviver les tensions entre les deux Corées.
Nicolas Rocca/vajo