Cette décision ne rend pas les interruptions de grossesse illégales mais renvoie les Etats-Unis à la situation en vigueur avant l'arrêt emblématique "Roe v. Wade" de 1973, quand chaque Etat était libre de les autoriser ou non.
Compte tenu des fractures dans le pays, une moitié des Etats, surtout dans le Sud et le centre plus conservateurs et religieux, pourraient les bannir rapidement. Le Missouri est le premier à faire le pas, en annonçant dès vendredi l'interdiction des avortements.
"La Constitution ne fait aucune référence à l'avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit", écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. Roe v. Wade "était totalement infondé dès le début" et "doit être annulé".
"Il est temps de rendre la question de l'avortement aux représentants élus du peuple" dans les parlements locaux, écrit-il encore.
Décision attendue
Cette formulation est proche d'un avant-projet d'arrêt qui avait fait l'objet d'une fuite inédite début mai, provoquant d'importantes manifestations dans tout le pays et une vague d'indignation à gauche.
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Depuis le climat était extrêmement tendu autour de la Cour, où une imposante barrière de sécurité a été installée pour tenir les protestataires à distance. Un homme armé a même été arrêté en juin près du domicile du magistrat Brett Kavanaugh et inculpé de tentative de meurtre.
Vendredi, dès l'annonce de la décision, des manifestants ont afflué par centaines vers le temple du droit à Washington, avec des larmes de joie ou de tristesse (lire encadré sur les réactions).
A contre-courant
La décision va à contre-courant de la tendance internationale à libéraliser les IVG, avec des avancées dans des pays où l'influence de l'Eglise catholique reste forte comme l'Irlande, l'Argentine, le Mexique ou la Colombie.
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Elle couronne 50 ans d'une lutte méthodique menée par la droite religieuse, pour qui elle représente une énorme victoire mais pas la fin de la bataille: le mouvement devrait continuer à se mobiliser pour faire basculer un maximum d'Etats dans son camp ou pour essayer d'obtenir une interdiction au niveau fédéral.
Elle s'inscrit aussi au bilan de l'ancien président républicain Donald Trump qui, au cours de son mandat, a profondément remanié la Cour suprême en y faisant entrer trois magistrats conservateurs (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett) signataires aujourd'hui de cet arrêt.
Concrètement, celui-ci porte sur une loi du Mississippi qui se contentait de réduire le délai légal pour avorter. Dès l'audience en décembre, plusieurs juges avaient laissé entendre qu'ils comptaient en profiter pour revoir plus fondamentalement la jurisprudence de la Cour.
Les trois magistrats progressistes se sont dissociés de la majorité qui, selon eux, "met en danger d'autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels" et "mine la légitimité de la Cour".
Treize Etats pourraient interdire les IVG
Selon l'institut Guttmacher, un centre de recherche qui milite pour l'accès à la contraception et à l'avortement dans le monde, 13 Etats disposent de lois dites "zombies" ou "gâchette": interdisant l'avortement, elles ont été rédigées pour entrer en vigueur quasi automatiquement en cas de revirement à la Cour suprême.
Une douzaine d'autres Etats devraient suivre avec des interdits complets ou partiels.
Dans une partie du pays, les femmes désirant avorter seront donc obligées de poursuivre leur grossesse, de se débrouiller clandestinement notamment en se procurant des pilules abortives sur internet, ou de voyager dans d'autres Etats, où les IVG resteront légales.
Anticipant un afflux, ces Etats, le plus souvent démocrates, ont pris des mesures pour faciliter l'accès à l'avortement sur leur sol et les cliniques ont commencé à basculer leurs ressources en personnel et équipement.
Mais voyager est coûteux et la décision de la Cour suprême pénalisera davantage les femmes pauvres ou élevant seules des enfants, qui sont sur-représentées dans les minorités noires et hispaniques, soulignent les défenseurs du droit à l'avortement.
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afp/vajo
"Les libertés fondamentales de millions d'Américaines attaquées", dit Barack Obama
L'ancien président américain Barack Obama a accusé la Cour suprême d'avoir "attaqué les libertés fondamentales de millions d'Américaines", après la décision vendredi de l'institution de révoquer le droit à l'avortement.
"Aujourd'hui, la Cour suprême a non seulement renversé près de 50 ans de précédent historique, elle laisse également au bon vouloir des politiciens et idéologues la décision la plus personnelle qui soit", a déclaré l'ancien président démocrate sur Twitter.
De son côté, l'ancien vice-président républicain des Etats-Unis Mike Pence a chaleureusement salué la décision de la Cour suprême révoquant le droit à l'avortement, "jeté aux oubliettes de l'Histoire".
"En renvoyant la question de l'avortement aux Etats et au peuple, la Cour suprême a réparé une erreur historique", s'est félicité sur Twitter ce fervent chrétien évangélique, qui fut le bras droit de Donald Trump à la Maison Blanche.
La principale organisation de planning familial américaine a promis de continuer à "se battre". "Vous ressentez sans doute beaucoup d'émotions - de la douleur, de la colère, de la confusion. C'est normal, nous sommes avec vous et nous n'arrêterons jamais de nous battre pour vous", a tweeté Planned Parenthood.