Au niveau des ventes de tickets, le succès est considérable. Deutsche Bahn et les compagnies de transport urbain qui participent à cette opération ont écoulé 16 millions de billets au mois de juin. Au sein de la population allemande, les avis continuent toutefois à diverger.
Pour Nils, un étudiant de 27 ans, en route avec des copains début juin de Munich à Berlin, cette expérience lui a permis de rencontrer des "gens qu'on ne voit pas d'habitude dans le train". Et de décrire une bonne ambiance, plutôt festive: "A l'aller, le train s'est arrêté un peu partout dans le pays. Il y avait deux enterrements de vie de garçon, des gens qui commençaient à danser, en jouant de la musique bavaroise et en buvant des bières dans le train à 11h du matin, c'était une expérience très amusante", affirme-t-il.
Pour Meike, une orthopédiste de Berlin qui souhaitait passer un week-end sportif avec son mari, l'expérience aura été bien différence. "Je ne recommencerai certainement pas dans ces conditions! Je n'ai vraiment rien contre le fait de prendre les trains régionaux, mais j'ai un problème avec ces masses de gens collés les uns aux autres et qui ne respectent plus l'obligation de porter le masque (...) le week-end dernier, nous sommes de nouveau partis en excursion, j'ai dit à mon mari que je prendrai la voiture", explique-t-elle.
70% de clients satisfaits, fréquentation en hausse de 10%
Si les avis peuvent donc être partagés, des études montrent plutôt une large majorité de clients satisfaits. Le ticket à 9 euros recueille ainsi 70% d'avis favorables et la moitié de ceux qui l'ont acheté l'ont fait pour renoncer à la voiture.
"On constate que nettement plus de gens voyagent avec les transports en commun, la hausse de la fréquentation est d'environ 10%, et c'est vrai qu'un certain nombre de trajets ont été reportés de la voiture vers les transports en commun, mais essentiellement au niveau des loisirs, pour le week-end, pour des excursions, ou pour aller au théâtre, faire du shopping", détaille Christian Winkler, de l'institut DLR.
Un ticket qui n'intéresse pas davantage les bas revenus
L'une des autres questions à laquelle cette expérience devait répondre était de savoir s'il soulagerait avant tout les bas revenus. A l'Université technique de Munich, deux études ont été faites à ce niveau-là, et les conclusions sont étonnantes.
"En tant que chercheurs, nous avions l'hypothèse que les foyers les plus modestes seraient davantage intéressés par le ticket à 9 euros que les foyers aisés: 9 euros pour un mois de mobilité, par rapport à deux pleins, ça représente entre 90 et 150 euros d'économies. Mais ce qu'on voit, c'est que l'intérêt pour le ticket à 9 euros n'est pas influencé par le niveau de revenus", explique Allister Loder, qui a encadré ces travaux.
Vers des changements de comportement?
Pour l'heure, les transports en commun ne semblent pas faire le poids face à la voiture en Allemagne. En cause, un système engorgé et des retards de trains très fréquents.
Au quotidien, les voyageurs sont aussi confrontés à des grilles de tarifs qui varient souvent d'une commune à l'autre. Les Verts et les sociaux-démocrates à Berlin ont promis une simplification du système et surtout, des investissements colossaux, mais le chemin à parcourir est encore long.
"Un système comme l'abonnement général en Suisse n'existe pas en Allemagne. Cela existe pour les grandes lignes mais pas pour le transport régional. Avec le ticket à 9 euros, beaucoup se sont mis à parcourir des trajets qu'ils faisaient en voiture, car avec les transports en commun, ils auraient dû changer de système tarifaire", détaille Allister Loder.
Le ticket à 9 euros pourrait donc en théorie améliorer les comportements et diriger les Allemands vers le rail. Mais le coût apparaît trop important. Selon les calculs du ministère des Finances, ce sésame bon marché est évalué à un milliard d'euros par mois à amputer au budget de l'Etat. Le ticket à 9 euros ne devrait donc pas s'inscrire dans la durée.
Nathalie Versieux/ther