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"L'épave d'Anticythère n'a pas encore livré tous ses secrets"

Les étudiants de l'École suisse d'archéologie découvrent l'Épave d'Anticythère: interview de Lorenz Baumer
Les étudiants de l'École suisse d'archéologie découvrent l'Épave d'Anticythère: interview de Lorenz Baumer / Forum / 6 min. / le 23 juin 2022
L'épave d'Anticythère, datant de la première moitié du Ier siècle av. J.-C., est la plus riche épave antique jamais découverte en Grèce. Coordonné par l'Université de Genève, sous l'égide de l'Ecole suisse d'archéologie en Grèce, le dernier projet de fouilles a permis de faire de nouvelles découvertes.

Localisée par hasard par des pêcheurs d'éponges près des côtes de l'île d'Anticythère en 1900, l'épave a été fouillée par le commandant Cousteau dans les années 1970, puis par les archéologues grecs. Depuis 2021, le projet archéologique est coordonné par l'Université de Genève sous l’égide de l'Ecole suisse d'archéologie en Grèce.

La deuxième expédition suisse, qui s'est déroulée du 23 mai au 15 juin derniers, s'est focalisée sur l'extraction de plusieurs gros rochers qui avaient partiellement recouvert la zone du naufrage lors d'éboulements sous-marins antérieurs. "Il faut imaginer une terrasse sous-marine, de 70 sur 50 mètres, recouverte de roches", décrit Lorenz Baumer, professeur d'archéologie classique à l'Université de Genève, dans l'émission Forum. "Jusqu'à présent, cette partie du site n'était pas accesible."

Pour permettre de soulever et de déplacer ces blocs, dont le poids frise les 8,5 tonnes, un système de levage sur mesure - composé d'un gréement durable, de coussins de levage sous-marins et d'une alimentation en air comprimé - a été développé, puis conçu par l'équipe de Hublot Xplorations, partenaire de l'expédition.

Le puzzle d'une statue commencé en 1900

Les fouilles ont permis de mettre au jour des découvertes plus importantes que ce qui était attendu par l'équipe de chercheurs. Par exemple, une tête en marbre d'un personnage masculin barbu, plus grand que nature, a été sortie de l'eau. Elle pourrait appartenir à la statue sans tête de l'Héraklès d'Anticythère, qui avait été récupérée par les plongeurs d'éponges en 1900. "Depuis 120 ans, nous n'avions plus trouvé de sculptures en marbre", indique Lorenz Baumer.

La position exacte et le contexte archéologique de chaque découverte ont été précisément documentés lors des fouilles et seront intégrés au modèle 3D du site. "L'objectif est d'en apprendre plus sur le navire, sur lequel il existe beaucoup de théories et peu de documents, ainsi que de comprendre son naufrage", explique-t-il. Et d'ajouter en souriant: "Les désastres des autres font le bonheur des archéologues."

Le mécanisme d'Anticythère

Au début du XXe siècle, des centaines d'œuvres d'art, dont les fabuleuses statues de bronze et de marbre qui remplissent aujourd'hui les galeries du Musée archéologique national d'Athènes, ainsi que le mystérieux dispositif à engrenages du mécanisme d'Anticythère, ont été découverts dans l'épave.

"Il s'agit d'un calculateur astronomique qui permet de calculer la position du Soleil et de la Lune, ainsi que des cinq planètes. Pendant très longtemps, on a pensé qu'il était impossible qu'un mécanisme aussi complexe ait existé dans l'Antiquité", raconte le professeur d'archéologie classique. "On est loin d'avoir compris tout son fonctionnement. Nous ne connaissons qu'un tiers de la machine. Tout le reste est encore là-bas."

Le site, lui aussi, "n'a pas encore livré tous ses secrets". La technologie devait permettre aux archéologues d'en percer quelques-uns. "A l'époque du commandant Cousteau, un plongeur pouvait travailler au maximum pendant six minutes, maintenant il peut travailler 30 minutes", note Lorenz Baumer.

Propos recueillis par Renaud Malik/vajo

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