"L'Ukraine peut compter sur nous aussi longtemps qu'il le faudra", a déclaré le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg au cours du sommet, qui dure jusqu'à jeudi. Dans une déclaration commune, les pays membres de l'Otan ont annoncé un nouveau plan d'aide à Kiev passant par la "livraison d'équipements militaires non létaux" et visant à "améliorer les défenses" ukrainiennes contre les cyber-attaques.
"L'épouvantable cruauté de la Russie provoque d'immenses souffrances humaines et des déplacements massifs, touchant de manière disproportionnée les femmes et les enfants", ont-ils écrit, estimant que la Russie portait "l'entière responsabilité de cette catastrophe humanitaire".
La Russie, de "partenaire stratégique" à "menace la plus significative"
Les dirigeants des pays de l'Otan, qui ont adopté lors du sommet de Madrid une nouvelle feuille de route stratégique, ont qualifié la Russie "de menace la plus significative et directe pour la sécurité des alliés et la paix" dans la zone euro-atlantique. "Nous ne pouvons pas écarter la possibilité d'une attaque contre la souveraineté ou l'intégrité territoriale des alliés", disent-ils dans ce document qui n'avait pas été révisé depuis 2010 et dont la dernière version qualifiait Moscou de "partenaire stratégique".
Cette nouvelle feuille de route évoque également pour la première fois les "défis" posés par la Chine. "Les ambitions déclarées" de Pékin "et ses politiques coercitives défient nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs", souligne le document (lire encadré).
Plus grand renforcement depuis la Guerre froide
Face à la menace russe, les Etats membres de l'Otan ont avalisé mercredi un renforcement de leur présence militaire sur le flanc oriental de l'Alliance, qui va par ailleurs porter le nombre de ses forces à haut niveau de préparation à plus de 300'000 militaires. "C'est la réorganisation la plus importante de notre défense collective depuis la Guerre froide", a déclaré Jens Stoltenberg, évoquant un "moment pivot" dans l'histoire de l'Alliance atlantique, créée en 1949.
"Nous sommes au rendez-vous" et "nous prouvons que l'Otan est plus nécessaire que jamais", a insisté le président américain Joe Biden, qui a annoncé pour sa part un renforcement de la présence militaire américaine dans toute l'Europe et notamment dans les Etats baltes.
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Suède et Finlande bientôt dans l'alliance
Le sommet de Madrid a également été l'occasion de lancer officiellement le processus d'adhésion de la Suède et la Finlande, qui ont décidé de rejoindre l'Otan en réaction à l'offensive russe en Ukraine, rompant avec une longue tradition de non-alignement militaire. Cette adhésion était jusqu'à présent bloquée par la Turquie, membre de l'Otan depuis 1952, qui accusait notamment Stockholm et Helsinki d'abriter des militants de l'organisation kurde PKK, qu'Ankara considère comme "terroriste".
Mais au terme de longues tractations, la Turquie a donné mardi soir son accord à l'entrée dans l'Otan de ces deux pays nordiques, le président turc Recep Tayyip Erdogan ayant estimé avoir obtenu leur "pleine coopération" dans sa lutte contre le PKK.
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La Russie dénonce un mouvement "agressif"
Cet élargissement de l'Otan aux deux pays nordiques, dont l'entrée formelle doit être ratifiée par les parlements des 30 Etats membres et pourrait prendre plusieurs mois, a suscité mercredi la colère de Moscou. C'est "un facteur profondément déstabilisateur pour les affaires internationales", a dit le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, qui a dénoncé un mouvement "agressif" à l'égard de la Russie.
Dans un communiqué, la diplomatie russe a également menacé de représailles la Norvège, accusant ce pays membre de l'Otan de bloquer le transit de marchandises à destination des Russes installés sur un archipel arctique norvégien, le Svalbard.
Vladimir Poutine, qui avait notamment justifié l'offensive contre l'Ukraine par la crainte d'un nouvel élargissement de l'Alliance à ce pays, "espérait moins d'Otan sur son front occidental" mais "il s'est complètement trompé": "Il obtient plus d'Otan", a lancé le Premier ministre britannique Boris Johnson, après l'accord trouvé à Madrid.
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agences/vic
La Chine, un défi pour la sécurité future de l'alliance
Mercredi après-midi, les dirigeants du Japon, de la Corée du Sud, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande se sont assis avec leurs homologues des 30 pays de l'Alliance autour de l'immense table du sommet de l'Otan à Madrid. C'est la première fois qu'autant d'Etats de la zone Asie-Pacifique étaient invités à un sommet de l'Alliance atlantique, créée en 1949 pour résister à l'Union soviétique en Europe.
En plus de la Russie, l'Otan s'inquiète aussi désormais du "défi" que représente la Chine pour sa sécurité future. La Néo-Zélandaise Jacinda Ardern, le Sud-Coréen Yoon Suk-yeol, le Japonais Fumio Kishida et l'Australien Anthony Albanese se sont félicités que la nouvelle feuille de route de l'Otan, appelée "concept stratégique", mentionne pour la première fois les "défis" représentés par la Chine pour les "valeurs", les "intérêts" et la "sécurité" des pays de l'Alliance atlantique.
Investissements militaires lourds de la Chine
"La Chine n'est pas un adversaire", a affirmé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Otan, "mais nous devons prendre en compte les conséquences pour notre sécurité quand nous la voyons investir lourdement dans de nouveaux équipements militaires". L'Otan dénonce en outre "le partenariat stratégique approfondi" entre Pékin et Moscou "et leurs tentatives mutuelles de miner l'ordre international basé sur les règles".
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Cette position a été prise sous la pression des Etats-Unis, dont la grande priorité stratégique est la Chine, même si la guerre en Ukraine les a contraints à se réengager en Europe. Pour cela, Joe Biden cherche à convaincre ses alliés que tenir tête à Moscou et faire face à Pékin sont des objectifs complémentaires, et non opposés.
Ces mises en cause irritent Pékin. "Ces dernières années, l'Otan a poussé pour élargir son champ d'action. La communauté internationale doit rester vigilante et s'y opposer avec force", a réagi mercredi le porte-parole du ministères des Affaires étrangères Zhao Lijian. "Promouvoir une mentalité de Guerre froide et inciter à la confrontation entre les blocs est impopulaire et voué à l'échec", a-t-il ajouté.
Restreindre l'Otan à l'espace euro-atlantique?
Sans mettre en cause les risques de déstabilisation en Asie-Pacifique, la présidence française estime elle que "le rôle de l'Otan est de se concentrer sur la sécurité de l'espace euro-atlantique".
Ces préoccupations sont prises en compte par le "concept stratégique", qui se garde d'envisager une implication de l'Otan dans la zone Asie-Pacifique, alors que les précédentes opérations menées par l'Alliance hors d'Europe - en Afghanistan et en Libye - se sont terminées sur des bilans contrastés et critiqués.
Kiev salue les prises de position de l'Otan
Avec les annonces de Madrid, "l'Otan a prouvé qu'elle pouvait prendre des décisions difficiles mais essentielles", s'est félicité sur Twitter le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba, saluant la "position lucide" de l'organisation sur la Russie et sa "position forte" sur l'Ukraine.
Invité quelques heures plus tôt à s'exprimer devant les dirigeants de l'Alliance par vidéoconférence, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait demandé un soutien militaire et financier accru pour permettre à l'Ukraine de résister face à l'artillerie russe.