Malgré les incessantes frappes russes et alors que vivres et munitions manquaient, les militaires ukrainiens d'Azovstal ont continué à se battre pendant des semaines. Gagnant un immense respect en Ukraine et à l'étranger, à force de vidéos tournées dans les souterrains bombardés, mêlant courage et patriotisme, ils sont devenus un symbole de fierté en Ukraine.
Mais leur sort est désormais des plus incertains et le silence qui entoure ces hommes fait craindre le pire à leurs proches.
Rencontrées par l'AFP à Paris et Kiev, des proches de ces soldats portent des t-shirts marqués "Free Azovstal defenders" (Libérez les défenseurs d'Azovstal) et militent pour avoir des nouvelles. Elles racontent l'insoutenable attente depuis le 20 mai, quand leur commandant Denys Prokopenko, un large pansement au bras droit et le gauche tuméfié, a confirmé que "le commandement militaire supérieur (avait) donné l'ordre de sauver les vies des militaires de notre garnison et d'arrêter de défendre la ville".
"Héros de Marvel, mais en vrai"
La reddition avait démarré plusieurs jours auparavant. Mais lui est resté jusqu'au bout. A sa femme Kateryna, Denys Prokopenko explique en privé que "tout se passera bien" et qu'ils se "reverront bientôt", se souvient cette dernière, qui de son côté refuse de passer pour une "pleurnicheuse" et lui répond qu'il est "comme un héros de Marvel, mais en vrai".
Serguiï Volynski, un autre gradé d'Azovstal, envoie, lui, à ses proches "un dernier texto indiquant qu'il n'y aurait plus de communication", narre depuis Kiev sa soeur Tatiana. Depuis lors, "pas un mot, absolument rien, je ne sais pas où il est, s'il est nourri, s'il est torturé", s'effraie-t-elle. "Il y a des informations dans les médias russes selon lesquelles certains ont été transférés à Moscou, d'autres ailleurs en Russie".
"Je ne lui ai pas parlé depuis un mois. J'attends juste qu'il m'appelle. Ça me rend tellement nerveuse", acquiesce Kateryna Prokopenko.
Combattants néonazis ou prisonnier de guerre
Si 95 "défenseurs d'Azovstal" gravement blessés ont été échangés contre des prisonniers russes, une annonce faite mercredi par Kiev, rien ne filtre sur le destin des autres. Andriy Yermak, un proche du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a récemment déclaré ne pas savoir dans quelles conditions ces militaires sont détenus. "Mais nous sommes sûrs qu'ils sont vivants."
D'après Moscou, 2439 combattants ukrainiens ont été faits prisonniers à Azovstal, gigantesque aciérie où ils se sont réfugiés après avoir été chassés des autres quartiers de Marioupol.
La médiatisation de cette bataille n'a pas plu à la Russie et Moscou a désigné le régiment Azov, en charge d'Azovstal, comme une unité néonazie, ce que démentent formellement les proches des soldats. Mais sont-ils considérés par Moscou comme des combattants néonazis ou comme des prisonniers de guerre, ce qui leur garantirait un meilleur traitement?
La république autoproclamée de Donetsk, une entité prorusse combattant depuis 2014 pour faire sécession de l'Ukraine, qualifie de son côté le régiment Azov d'"organisation terroriste" aux "crimes" passibles de "la peine capitale".
De l'espoir
Kateryna Prokopenko espère pour sa part que la justice "ennemie" traitera son mari "avec honneur" parce que c'est "un vrai soldat". "Je n'y crois qu'à 1%, poursuit-elle. Mais ce 1% me fait me sentir mieux."
La mère d'Illia, un combattant dont l'anglais parfait et la prothèse noire terminée par un crochet noir - vestige d'un bras arraché au combat en 2017 - sont apparus dans de nombreux médias occidentaux, confie être restée "calme" quand son fils était au sous-sol du complexe sidérurgique. "Illia me donnait sa position, ses opinions. Je sentais que je devais lui fait confiance", raconte-t-elle. Mais depuis sa capture, "j'ai cessé de dormir".
Mais les proches des soldats veulent garder espoir et luttent pour leur libération en apparaissant de plus en plus dans les médias et dans des réunions en Europe. Daria, la petite amie d'Illia, a ainsi rejoint une association de femmes et filles des combattants d'Azovstal. "J'ai compris que nos voix pouvaient les aider."
afp/boi