Le 14 août 2018, sous une pluie battante, le pont autoroutier Morandi, un axe essentiel pour le trafic régional, s'était écroulé précipitant dans le vide des dizaines de véhicules et leurs passagers. Au total, 43 personnes avaient perdu la vie. La tragédie avait révélé avec violence le piètre état des infrastructures de transport en Italie, largement privatisées dans les années 1990. La société Autostrade per l'Italia est notamment accusée de ne pas avoir entretenu l'ouvrage pour faire des économies sur le dos de la sécurité.
Les quelque 59 prévenus doivent répondre des chefs d'accusation d'homicide involontaire, atteinte à la sécurité des transports ou encore délits de négligence. Il s'agit pour la plupart de cadres, de techniciens et de dirigeants du géant des infrastructures Atlantia, contrôlée par la famille Benetton. Son directeur général de l'époque Giovanni Castellucci fait partie des accusés.
"Préserver les dividendes"
Des fonctionnaires du ministère des Infrastructures chargés de la surveillance et de la sécurité sont également jugés. Le parquet estime qu'ils savaient que le pont pouvait s'écrouler et qu'ils n'ont rien fait.
"Le pont Morandi était une bombe à retardement. Vous pouviez entendre le tic-tac, mais vous ne saviez pas quand elle allait exploser", avait déclaré en février l'un des procureurs. Pour lui, il ne fait aucun doute que les dirigeants d'Autostrade et de la société d'ingénierie Spea, chargée de la maintenance, "étaient conscients du risque d'effondrement", mais qu'ils ont rechigné à financer des travaux afin de "préserver les dividendes" des actionnaires.
Retour à l'Etat
Les familles des victimes dénoncent quant à elles "un système pourri, avec trop d'intérêts économiques en jeu". L'accusation pourra en outre compter sur un témoin de taille: Roberto Tomasi, nouveau dirigeant d'Atlantia et cadre d'Autostrade depuis 2015, qui affiche sa volonté de tourner la page.
En avril dernier, deux filiales d'Atlantia avaient déjà reconnu leur responsabilité et accepté de payer 29 millions d'euros pour éviter le procès. À la suite du drame, Benetton s'est séparé d'une partie de ses activités autoroutières et a revendu à l'Etat italien sa part d'Autostrade per l'Italia.
>> Lire à ce sujet : L'Italie renationalise 3000 kilomètres d'autoroutes, dont la portion du pont Morandi
Sous une tente transparente érigée dans la cour du Tribunal de Gênes, le juge Paolo Lepri a égrené dans une ambiance fébrile les noms d'une centaine d'avocats des prévenus et des parties civiles qui y étaient réunis. L'audience a été levée peu avant midi et le procès ne reprendra que le 12 septembre.
jop/ej/ats