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Affaibli par les scandales, Boris Johnson se résout à quitter le pouvoir

Le Premier ministre britannique Boris Johnson se résigne face aux scandales et quitte la tête du Parti conservateur
Le Premier ministre britannique Boris Johnson se résigne face aux scandales et quitte la tête du Parti conservateur / 19h30 / 2 min. / le 7 juillet 2022
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, usé par les scandales et affaibli par une série de démissions sans précédent, a annoncé jeudi sa démission de chef du parti conservateur. Son départ ouvre la voie à son remplacement à la tête du gouvernement.

"C'est clairement la volonté du parti conservateur qu'il y ait un nouveau leader et donc un nouveau Premier ministre", a déclaré Boris Johnson, 58 ans, lors d'une conférence de presse devant Downing Street, se disant "triste d'abandonner le meilleur travail au monde". Il a ajouté que le calendrier pour l'élection d'un nouveau leader conservateur serait précisé la semaine prochaine.

"La raison pour laquelle je me suis tellement battu ces derniers jours pour continuer ce mandat en personne n'est pas seulement parce que je le voulais, mais parce que je pensais que c'était mon travail, mon devoir, mon obligation envers vous de continuer à faire ce que nous avions promis en 2019."

"Ces derniers jours, j'ai essayé de convaincre mes collègues qu'il serait dingue de changer de gouvernement alors que nous réalisons autant de choses, que nous avons un mandat aussi vaste et que nous n'avons que quelques points de retard dans les sondages", a-t-il affirmé. "Je regrette de ne pas avoir réussi" à les convaincre.

>> Écouter le discours de Boris Johnson et les réactions des Londoniens après l'annonce :

Boris Johnson "triste d'abandonner le meilleur job du monde", des Britanniques soulagés
Boris Johnson "triste d'abandonner le meilleur job du monde", des Britanniques soulagés / L'actu en vidéo / 1 min. / le 7 juillet 2022

Durant sa prise de parole, Boris Johnson s'est dit aussi fier des réalisations de son gouvernement, à commencer par le Brexit, mais aussi le fait d'avoir traversé la pandémie avec la campagne de vaccination la plus rapide d'Europe et le déconfinement le plus rapide. Il a aussi mentionné son action pour soutenir Ukraine après l'invasion russe. Les services du Premier ministre ont dans la foulée assuré que Boris Johnson laisserait à son successeur les "décisions budgétaires majeures".

Trois années turbulentes au pouvoir

Nommé en juillet 2019 pour succéder à Theresa May à la direction du Parti conservateur, s'assurant ainsi sa nomination à la tête du gouvernement. Ultra-populaire, il remporte en décembre 2019 une majorité historique à la Chambre des Communes pour les conservateurs à l'issue d'élections législatives anticipées.

Les députés approuvent son accord sur le Brexit et le 31 janvier 2020, trois ans et demi après le référendum, le Royaume-Uni sort de l'Union européenne.

Son mandat a ensuite été marqué par des turbulences plus ou moins importantes. Il a surtout été affaibli par une série de scandales ces derniers mois. Un vote de défiance l'avait sauvé le mois dernier, même si 40% des députés conservateurs avaient refusé de lui accorder leur confiance.

Mais les démissions se sont succédé ces dernières 24 heures, rendant impossible la gouvernance de Boris Johnson. Les départs mardi soir du ministre des Finances Rishi Sunak et du ministre de la Santé Sajid Javid ont sonné l'hallali pour le Premier ministre, après un nouveau scandale sexuel impliquant le "whip" adjoint, chargé de la discipline des députés conservateurs, que Boris Johnson avait nommé en février, "oubliant" des accusations passées de même type.

>> Lire aussi : Qui pour remplacer Boris Johnson? Tour d'horizon des prétendants

Une soixantaine de départs

Les départs et les appels au départ du chef du gouvernement se sont poursuivis mercredi et jeudi, Downing Street annonçant parallèlement une série de nominations pour remplacer les ministres et secrétaires d'Etat démissionnaires.

Le tout nouveau ministre des Finances Nadhim Zahawi, nommé mardi, avait appelé Boris Johnson à "partir maintenant", alors que la ministre de l'Education, nommée elle aussi mardi, annonçait sa démission.

Au total, une soixantaine de départs ont été annoncés au sein du gouvernement depuis mardi, dont cinq ministres, un exode d'une rapidité sans précédent dans l'histoire politique britannique.

Mercredi soir, plusieurs ministres s'étaient rendus à Downing Street pour essayer, en vain, de convaincre Boris Johnson qu'ayant perdu la confiance du parti conservateur, devait démissionner.

"Nous n'avons pas besoin d'un changement à la tête des Tories. Nous avons besoin d'un vrai changement de gouvernement", avait aussi fait valoir le chef de l'opposition Keir Starmer, menaçant d'organiser un vote de défiance à la Chambre si Boris Johnson restait au pouvoir.

Un ministre limogé par téléphone

Le Premier ministre de 58 ans a riposté en limogeant par téléphone mercredi soir le ministre qui avait été le premier à venir lui conseiller de démissionner plus tôt dans la journée, Michael Gove, chargé du rééquilibrage territorial. Selon la BBC, Downing Street aurait qualifié Michael Gove de "serpent" indigne de la confiance de Boris Johnson.

Le parti conservateur est lassé des scandales à répétition depuis que Boris Johnson, l'ancien héros du Brexit, est arrivé à Downing Street. La séance hebdomadaire de questions à la Chambre avait été particulièrement houleuse pour Boris Johnson, avec de nouveaux appels à la démission dans son propre camp, des rires témoignant de sa perte d'autorité, et un "bye Boris" à la fin de la séance.

La cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss a appelé au calme après la démission de Boris Johnson comme chef du parti conservateur. "Le Premier ministre a pris la bonne décision (...) Nous avons besoin de calme et d'unité maintenant et de continuer à gouverner jusqu'à ce qu'un nouveau chef du parti soit désigné", a-t-elle déclaré dans un tweet.

Explications variables

Le mécontentement couvait depuis des mois, nourri notamment par le scandale des fêtes illégales à Downing Street pendant le confinement anti-Covid. Les Britanniques devaient eux respecter des règles très strictes.

Boris Johnson, connu pour ne pas être à un mensonge près, avait varié dans ses explications, provoquant frustration puis colère des élus conservateurs, dans un pays confronté à une inflation record de 9% et à des mouvements sociaux. Sa cote de popularité avait plongé, et près de 70% des Britanniques souhaitent désormais son départ, selon deux sondages cette semaine.

>> Le parcours de Boris Johnson retracé par le 19h30 :

Retour sur la carrière politique de Boris Johnson, grand artisan du Brexit devenu Premier ministre dont les scandales ont entraîné la chute
Retour sur la carrière politique de Boris Johnson, grand artisan du Brexit devenu Premier ministre dont les scandales ont entraîné la chute / 19h30 / 2 min. / le 7 juillet 2022

agences/vajo/boi

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Les réactions de la Russie, de l'Ukraine et de l'UE

La perspective du départ de Boris Johnson ne change pas la détermination de l'Union européenne à "chercher des solutions" au différend autour des dispositions douanières post-Brexit en Irlande du Nord, a déclaré la Commission européenne.

"Sur les événements (politiques) au Royaume-Uni, nous n'avons pas de commentaire à faire", a déclaré un porte-parole de l'exécutif européen. Il a ajouté que la procédure d'infraction lancée contre Londres en septembre 2021 pour violation du protocole nord-irlandais "reste en cours".

"Nous espérons, qu'un jour, des gens plus professionnels et en mesure de prendre des décisions à travers le dialogue arriveront au pouvoir en Grande-Bretagne", a de son côté jugé le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov. Avant d'ajouter que le Premier ministre britannique "ne nous aime pas beaucoup et nous non plus".

Du côté de Kiev, la présidence ukrainienne a remercié Boris Johnson pour son soutien dans les "moments les plus difficiles" de l'invasion russe. "Merci à Boris Johnson pour avoir compris la menace du monstre russe et avoir toujours été à l'avant-garde du soutien à l'Ukraine" et pour avoir "pris ses responsabilités", a écrit sur Twitter un conseiller de la présidence.

Boris Johnson prévoit une fête de mariage dans sa future ex-résidence de campagne

Boris Johnson a prévu une fête fin juillet pour célébrer son mariage avec son épouse Carrie à Chequers, la résidence de campagne des Premiers ministres britanniques, ont rapporté des médias britanniques.

Les invitations avaient été envoyées avant l'annonce de la démission du Premier ministre qui s'était marié en secret en mai 2021 lors d'une petite cérémonie dans la cathédrale catholique de Westminster. La cérémonie était limitée à 30 personnes en raison des restrictions sanitaires pour lutter contre le coronavirus, d'où le projet de fête cette année.

"On aimerait tous avoir un mariage grandiose aux frais du contribuable à Chequers, mais il ne pourra pas le faire parce que les Britanniques trouveront ça odieux", a réagi sur la radio LBC le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan.

Selon lui, les Tories raisonnables "n'accepteront pas une situation où il cherchera à rester Premier ministre pour son bénéfice personnel, plutôt que pour l'intérêt national".