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Une vaste enquête accuse Uber de méthodes brutales voire illégales à ses débuts

Une vaste enquête du consortium international des journalistes d’investigation dévoile les pratiques de la société Uber
Une vaste enquête du consortium international des journalistes d’investigation dévoile les pratiques de la société Uber / 12h45 / 1 min. / le 11 juillet 2022
Uber a eu recours à des pratiques brutales et a "enfreint la loi" pour s'imposer malgré les réticences politiques et des compagnies de taxis, révèle une vaste enquête internationale de journalistes. En France, elle pointe le rôle central joué par Emmanuel Macron en 2014.

Le quotidien britannique The Guardian a obtenu et partagé avec le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) quelque 124'000 documents, datés de 2013 à 2017, comprenant des emails et messages des dirigeants d'Uber à l'époque, ainsi que des présentations, notes et factures.

Dimanche, plusieurs organisations de presse (dont le Washington Post, Le Monde et la BBC) ont publié leurs premiers articles tirés de ces "Uber Files". Ils mettent en avant certaines méthodes employées pendant ces années d'expansion rapide mais aussi de confrontation pour Uber, de Paris à Johannesburg.

"L'entreprise a enfreint la loi, trompé la police et les régulateurs, exploité la violence contre les chauffeurs et fait pression en secret sur les gouvernements dans le monde entier", affirme le Guardian en introduction.

Les articles mentionnent notamment des messages de Travis Kalanick, alors patron de la société basée à San Francisco, quand des cadres se sont inquiétés des risques pour les conducteurs qu'Uber encourageait à participer à une manifestation à Paris. "Je pense que ça vaut le coup", leur a répondu le cofondateur. Et d'ajouter: "la violence garantit le succès".

>> Ecouter à ce sujet :

Travis Kalanick, le fondateur et patron américain d'Uber. [Will Oliver - EPA]Will Oliver - EPA
La séquence portrait - Travis Kalanick, patron controversé d'Uber, prend un congé / Le Journal du matin / 1 min. / le 14 juin 2017

Accusations démenties par Uber

Selon le Guardian, Uber a adopté des tactiques similaires dans différents pays européens (Belgique, Pays-Bas, Espagne, Italie...), mobilisant les chauffeurs et les incitant à se plaindre à la police quand ils étaient victimes de violence, afin d'utiliser la couverture médiatique pour obtenir des concessions des autorités.

"Travis Kalanick n'a jamais suggéré qu'Uber exploite la violence aux dépens de la sécurité des conducteurs", a réagi Devon Spurgeon, porte-parole de l'ancien dirigeant controversé, dans un communiqué publié par l'ICIJ où il réfute toutes les accusations.

"Aujourd'hui, Uber est l'une des plus grandes plateformes de travail au monde et fait partie intégrante de la vie quotidienne de 100 millions de personnes. Nous sommes passés d'une ère de confrontation à une ère de collaboration, démontrant une volonté de trouver un terrain d'entente avec d'anciens opposants, y compris les syndicats et les sociétés de taxis", élabore Jill Hazelbaker.

"Nous ne cherchons pas d'excuses"

"Nous n'avons pas justifié et ne cherchons pas d'excuses pour des comportements qui ne sont pas conformes à nos valeurs actuelles en tant qu'entreprise", a indiqué de son côté Jill Hazelbaker, vice-présidente chargée des Affaires publiques d'Uber, dans un communiqué en ligne. "Nous demandons au public de nous juger sur ce que nous avons fait au cours des cinq dernières années et sur ce que nous ferons dans les années à venir", a-t-elle ajouté.

afp/aps

>> L'interview de Hans van Scharen, en charge de la communication chez Corporate Europe Observatory, dans Forum :

Le logo d'Uber devant le siège de l'entreprise à San Francisco. [Keystone - Eric Risberg]Keystone - Eric Risberg
Uber files, un lobbyisme au-delà de la limite? Interview de Hans van Scharen / Forum / 6 min. / le 11 juillet 2022
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Vers un scandale d'Etat en France?

En France, l'affaire prend une ampleur politique, alors qu'elle met en avant les liens étroits entre Emmanuel Macron, ministre de l'Economie à l'époque, et les dirigeants d'Uber. La gauche parle même de "scandale d'Etat".

En 2014, alors que la majorité du gouvernement de François Hollande était hostile au modèle Uber, Emmanuel Macron va littéralement rouler pour l'entreprise californienne, comme le racontent le quotidien Le Monde et le site Franceinfo.

Ces révélations tombent mal d'un point de vue du calendrier puisque l’Assemblée nationale doit se prononcer lundi après-midi sur une motion de censure du gouvernement.

>> Les explications d'Ariane Hasler dans le 12h30 :

Les Uber Leaks mettent en lumière les liens étroits entre Emmanuel et Uber en 2014.
Les Uber Leaks mettent en lumière les liens étroits entre Emmanuel et Uber en 2014 / Le 12h30 / 2 min. / le 11 juillet 2022

>> Lire : L'Assemblée nationale en France débat d'une mention de censure du gouvernement

Lobbying aussi au Forum de Davos en 2016

Parmi les dizaines de milliers de documents internes d'Uber auxquels des médias ont eu accès, il est aussi question de l'édition 2016 du Forum économique de Davos (WEF).

Dix cadres de la société étaient présents dans la station grisonne cette année-là. Leur objectif était de signer des accords et d'obtenir des législations favorables dans plusieurs pays où l'application était jugée illégale.

Ils avaient rencontré notamment quatre Premiers ministres, deux vice-présidents de la Commission européenne ou encore l'Américain Joe Biden (alors vice-président) et le ministre français de l'Economie Emmanuel Macron.

>> Les précisions de Pascal Wassmer dans le 12h30 :

Travis Kalanick, le fondateur et ancien patron américain d'Uber. [Will Oliver - EPA]Will Oliver - EPA
L’enquête Uber Leaks révèle que des cadres d'Uber ont noyauté le Forum économique de Davos en 2016 / Le 12h30 / 1 min. / le 11 juillet 2022